Une question d’équilibres ?

Nous en sommes maintenant à la troisième mouture de la nouvelle version des hors-série du magazine du jeu d’histoire: Vae Victis.


Pour résumer les précédents épisodes, en 2009, l’éditeur du magazine, Histoire & Collections, a décidé de modifier la formule du magazine pour le rendre rentable et éviter sa disparition. Dans l’ancienne formule, il existait 6 magazines bimestriels appuyés par 2 à 3 hors série par an, chaque numéro étant accompagné d’un jeu complet (carte A4 et une planche double de pions à découper et à coller). La nouvelle mouture a vu disparaître le jeu en encart au profil d’un « mini-jeu » vraiment mini… et pour nous faire passer la pilule, le hors série se retrouvé accompagné  d’un vrai wargame, avec de vrais pions, vendu par le même éditeur. En fait, tout cela cachait pour moi une augmentation substantielle de prix sur laquelle je me suis longuement épanché par le passé sur ce blog. Mais je sais qu’on est pas tous d’accord à ce sujet… surtout chez H&C ! 😉

Bref, concentrons nous sur les hors-séries et sur le numéro 13 qui est le troisième de la nouvelle mouture. Comme évoqué, il sort parallèlement à l’édition du wargame « Le lion et l’épée » de la série »Au fil de l’épée » du prolixe Frédéric Bey. La sortie de cet opus vient confirmer, toujours à mon avis, la tendance que va prendre la publication de ces jeux bi-annuels: un jeu « série 2ème guerre mondiale » puis un opus de la série « Jours de gloire » sur le 1er Empire puis un opus de la série « Au fil de l’épée ». Cela enlève toute possibilité d’expression aux nouveaux concepteurs qui devront se rabattre sur la conception de mini-jeux (y en a qui aiment, pas moi…) ou qui devront se tourner vers d’autres éditeurs comme … Battles Magazine !

Ce qui m’a surpris à l’ouverture de ce hors-série numéro  13, c’est le problème de déséquilibres.

Je m’explique:

  • déséquilibre de format: le hors-série n°11 comportait 68 pages, le numéro 12 quant à lui en comportait 84. Avec le numéro 13, nous revenons au format de 68 pages. Sincèrement le format 68 pages me semble trop court pour embrasser l’ensemble des champs wargamistiques que la rédaction de Vae Victis a décidé d’étreindre… La question est donc posée: combien de pages y a t’il dans un hors-série de Vae Victis désormais ? J’ai donné mon avis.
  • déséquilibre des thématiques. Je suis plutôt boardgamer (carte et pions) qu’amateur de jeu d’histoire avec figurines. Or, ce numéro est largement déséquilibré: deux articles sur la série « Au fil de l’épée », trois articles historiques, 2 scénarios pour ASL et 6 articles sur les figurines. Donc déséquilibre. A moins que les lecteurs de Vae Victis soient majoritairement des figurinistes ?

Encore une remarque avant de passer au contenu: les photographies.

  • certaines photographies sont floues dans l’article sur « Au fil de l’épée », une boîte de figurines plastique est pixelisée: cela fait bien amateur pour un éditeur spécialisé comme Histoire & Collections. J’imagine que ces photos ont été prises par les rédacteurs-pigistes du magazine mais il serait utile qu’il y ait un travail fait pour leur expliquer les besoins vis à vis d’un matériel destiné à être imprimé.
  • les photographies de figurines et de terrain méritent aussi toute l’attention de la rédaction. J’ai parfois l’impression de retrouver Miniature Wargames des années 80-90. Les terrains genre vert gazon – moquette de Leroy Merlin – ou les peintures approximatives me surprendront toujours dans un magazine. Évidemment, je salue toujours le travail – exceptionnel – d’un Robert Tison, les belles figurines de Bannockurn et quelques autres (j’ai les noms 😉 )  mais que le vert de base est laid ! Les vues aériennes de l’article sur « De bellis antiquitatis » m’ont paru laides et peu compréhensibles, dommage. La qualité à viser est celle de l’article  de Cyrille Barillot qui est du niveau (figurines et décors) des revues anglo-saxonnes.

Maintenant, le sommaire:

  • Au fil de l’épée, comment éviter le chaos de la bataille. Un article de Denis Sauvage qui comporte 10 pages. Comme c’est le seul vrai article consacré au boargame de ce hors-série, je l’ai dégusté… et là, chapeau à l’auteur ! Il décrit très finement le système de jeu et délivre force conseils bien utiles. Une description détaillée des unités dotées d’une capacité de tir est également bien appréciable avec avantages, inconvénients et conseils d’utilisation. Tous les modules de la série sont également présentés et des conseils sont donnés pour les deux protagonistes et ce pour 11 batailles clés de la série. Bref, un vrai travail en profondeur, utile qui vient parfaitement complété ce qu’on trouve sur les blogs ou les forums désormais. C’est là qu’un magazine peut et doit trouver sa place: aller plus en profondeur sans doute sur un volume de pages plus important. Le petit quizz proposé vient ajouter une dimension ludique bien sympathique aussi ! Bref, du bon boulot, Denis !
  • La guerre pour Jérusalem, Richard Cœur de Lion face à Saladin. Un article historique de fond de Frédéric Bey, l’auteur de « Le lion et l’épée ». Comme à son habitude, il nous livre un très bon article de fond de 10 pages. L’article est clair bien appuyé par des extraits de sources et d’ouvrages sérieux ainsi que par une bibliographie particulièrement solide.  Son dernier chapitre « Pourquoi nos ancêtres sont-ils donc partis en croisade » suscitera sans doute, comme d’habitude, quelques contestations. Pour ma part, je l’ai trouvé intelligent et nécessaire. Deux critiques cependant: les deux photos de figurines illustrant l’article: bof, bof, bof. De plus, j’avoue ne pas avoir accroché à la qualité des deux planches pleine page de Serge Baudouard. Bon, je sais, les goûts et les couleurs… mais mes modèles sont plutôt Angus McBride et Rava, alors…
  • Bannockburn 1314, l’heure de gloire des Scots par Jean Levréro. Le traitement de l’article est original: un historique de la campagne et de la bataille puis la comparaison du traitement des armées et de la bataille par deux systèmes de règles: « De Bellis Antiquitatis » (DBA) et « L’art de la guerre » (ADG). Je ne suis plus figuriniste mais cette approche m’a amené à lire l’article. Au final, je ne suis pas convaincu. La présentation de la bataille sent l’approche figuriniste à plein nez et l’article n’est pas sourcé. Quant à la comparaison des deux systèmes, on se rend compte, une fois de plus, des traitements assez approximatifs faits par les auteurs de règles. De plus des parties en moins de 30 minutes, il faut aimer ça…. Je n’ose reparler (trop tard…) du vert gazon de fond de table exécrable à mon avis alors que les figurines me semblent d’un bon rendu…
  • Au fil de l’épée. Oui mais à l’école ! Deuxième article de Denis Sauvage et il est bien original ! Il nous présente l’utilisation qu’il a faite du wargame dans sa pratique d’instituteur: le pourquoi, le comment mais aussi les adaptations nécessaires pour capter le jeune public. Et ça a marché ! Bravo, Denis ! Respect !
  • Les figurines 15 mm et le jeu antique-médiéval par l’exemple. 3ème partie. Bon y a du y en avoir deux autres mais je ne me souviens que du précédent dans le numéro 88 du magazine bimestriel ! Cet article est de nouveau signé Eric Buyck et c’est toujours du « top level ». Eric a intelligemment choisi de traiter les croisades et l’on découvre, tout au long des six pages de l’article, son érudition tant en termes d’histoire que de figurines ! En virtuose, il navigue entre les différentes marques et les différentes époques pour aider le lecteur dans ses choix pour faire des armées à la fois historiques et variées. Du grand art que je salue même si je me suis éloigné de la figurine ! Chapeau l’artiste ! Et les figurines de ton compère, Robert Tison sont toujours aussi superbes, meilleur peintre de France en 15mm, j’suis fan !
  • De bellis antiquitatis, quelques tactiques par Jean Levréro. Pour les passionnés de DBA, je n’en suis pas. Dans cet article, il y a tout ce que je n’aime pas dans le jeu avec figurines: budgétisation et optimisation des armées, placement des éléments de terrain, déploiement optimum des armées et « stratégie » pour la bataille… et il y a toujours la petite phrase qui me fait sourire: « J’ai utilisé cette armée 13 fois en 4 ans, pour 5 victoires, quatre secondes places et deux troisièmes places. ». 😉 Quant au résumé de la bataille, finalement c’est comme le foot: 4:0 pour les ptolémaïques et « ce qui n’est pas cher payé ». Je sais: c’est pas bien de se moquer surtout d’un passionné. Toutes mes (sincères) excuses, Jean ! Et je n’ai pas aimé les moquettes et les photos vues de dessus non plus mais je l’ai déjà dit ailleurs !
  • The patriots, règles et extension. Il s’agit d’une règle de jeu avec figurines utilisable du XVIIème à la fin du XIX siècle. Idéalement à l’échelle de 1/10 à 1/30. Bon, je n’ai pas lu mais j’ai bien aimé la qualité des photos, des décors et des photographies. A défaut de l’ivresse, qu’on ait un beau verre ! 😉
  • Deux scénarios ASL consacrés à la campagne du Levant (Syrie, Liban) en 1941. Fallait bien trouver une raison pour les placer, ceux là ! Croisades du temps moderne ? Non, ce serait politiquement incorrect ! 😉 Liban, Syrie, c’est le même terrain de jeu que Richard et Saladin ? Bon, on va dire que ce sont deux scénarios de plus dans les milliers existants ? OK, à faut d’article historique, c’est Philippe Naud qui est content ! 😉
  • Byzance. L’armée des empereurs byzantins Commènes. Toujours du sérieux chez Stéphane Thion. Dans l’esprit de l’article d’Eric Buyck, il nous détaille les spécificités de l’empire Byzantin à cette époque, comment les principales règles ont traité cette armée « Byzantins Commène » et quelles sont les figurines adaptées du 28 mm au 10mm. Sérieux et intéressant. Même moi, je l’ai lu… et avec intérêt !
  • L’armée des Anges, les forces militaires de l’epire byzantin de 1185 à 1204. Ici aussi un article historique sérieux de Pierre Juhel. Un vrai travail d’historien sur l’organisation des armées suite à la chute de la dynastie des Commènes avec de bonnes références sérieuses dans le texte. Il est dommage que la bibliographie complète et les campagnes des Anges soient disponibles… sur le site internet de Vae Victis… où on ne les trouve pas au 26 juin 2010… Cela confirmerait-il qu’il faille augmenter le nombre de pages ? 😉

Bref pour résumer un numéro hors série n°13 en deçà de son devancier, le n° 12, qui était plus abouti, plus complet et plus équilibré. J’ai regretté l’absence d’un Jean-Philippe Imbach ou  la présente d’un seul article de Frédéric Bey. Quant ils ne sont pas là pour structurer ces hors-séries, ça se ressent ! Enfin le déséquilibre en faveur de la figurine a aggravé mon humeur…

Mon camarade Fred59 avait évoqué récemment sur le forum L’estafette que la rédaction avait encore un effort à faire pour finalement ne produire que des hors-séries tous les deux mois avec un jeu en encart. Pas faux et pas bête, mais il faudrait prendre plutôt le HS # 12 en modèle.

Mais bon, j’achèterai quand même le numéro 14.

Ah oui ! Une bonne nouvelle ! Je vais pouvoir me consacrer pleinement à mon Battles Magazine #4 qui devrait désormais arriver sous peu… Yeah !

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