Rwanda 1994.

Le lieutenant-général  canadien Roméo Dallaire a commandé les forces militaires de la MINUAR d’octobre 1993 à juin 1994. La MINUAR était la Mission des Nations-Unies pour l’assistance au Rwanda. Composée de plus de 2.000 soldats, elle était chargée d’assurer la sécurité lors du processus de transition politique consécutif aux accords d’Arusha.

Le témoignage de Roméo Dallaire, publié dix ans après les événements, couvre donc à la fois: les prémices et le déroulement du génocide ainsi que la constitution de la zone de sécurité sous contrôle des forces françaises de l’opération Turquoise.

Avant le Rwanda, Dallaire nous raconte son histoire personnelle, celle de sa famille et de son engagement dans les forces armées canadiennes. Très proche des anglophones dans une période de tension interne au Canada, l’auteur est particulièrement sensible à la situation des minorités. Il a une méconnaissance totale du Rwanda mais aussi des spécificités africaines lors de sa prise de commandement sous le pavillon de l’ONU. Il en est de même concernant les process de l’ONU et visiblement ses attributions exactes, ce qui entrainera bien des difficultés avec sa hiérarchie et tout particulièrement avec le diplomate camerounais Booh Booh, chef de la mission de l’ONU pour le Rwanda et son supérieur hiérarchique. Sa mise en cause par Dallaire dans le présent ouvrage amènera d’ailleurs Booh Booh à faire une réponse cinglante dans « Le patron de Dallaire parle » en 2005.

A la tête d’une troupe disparate (Tunisie, Ghana, Bangladesh et Belgique pour les contingents principaux), Dallaire va nous livrer sa relation des événements de son arrivée au Rwanda à sa relève.

Pour être très clair, ce récit d’un acteur et témoin des faits est intéressant. Il est aussi indispensable au niveau de la perception qu’a pu en avoir l’auteur avec le recul de dix années avant la rédaction de son ouvrage. Il s’agit aussi, et on peut le comprendre, d’un plaidoyer pro domo de celui qui commandait une MINUAR qui a échoué.

Les points qui m’ont le plus interpellé ont été les suivants:

  • une admiration à peine voilée de Dallaire pour le FPR et ses dirigeants (et en particulier de Paul Kagame)
  • une méfiance permanente vis à vis des Hutus au pouvoir et en particulier des officiers des FAR et de la gendarmerie rwandaise
  • une critique permanente de ses supérieurs civils et militaires
  • une défiance, et c’est le moins de le dire, vis à vis des troupes mais aussi des motivations politiques belges et françaises.

Mon incompréhension est quand même, avant tout et dix ans après les effets, que Dallaire ne s’interroge toujours pas sur l’origine de l’attentat, fait déclencheur du génocide, à savoir le tir de missiles qui a abattu l’avion qui transportait les présidents du Rwanda et du Burundi mais également le chef d’état-major des armées rwandais.

Au delà des questions toujours posées sur le sujet depuis 20 ans, l’ouvrage établit aussi clairement les dysfontionnements de l’ONU, l’équipement indigent, le manque de préparation de certaines unités (pour ne pas dire plus), les procédures d’engagement quelque peu aberrantes. Après les difficultés en Yougoslavie et au Rwanda, les nations occidentales pencheront désormais bien plus souvent pour des interventions sous drapeau national avec des troupes compétentes et des règles d’engagement claires.

Je concluerai par mon avis personnel: dans les situations explosives, il vaut mieux confier les opérations d’interposition à des unités professionnelles dirigées par un commandement expérimenté.

Quant au sous-titre, « la faillite de l’humanité au Rwanda », je changerais plutôt pour « la faillite de l’ONU au Rwanda ».

Avec bibliographie courte et index.

J’ai serré la main du diable. Roméo Dallaire aux éditions « Libre Expression » en 2003.

Pour aller plus loin, je vous propose toute une série d’ouvrages déjà lus et commentés ici.

 

 

 


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