Un ouvrage exceptionnel.

Bon, pour tout dire, c’est un cadeau d’un des deux auteurs (devinez lequel… 😉 ). J’ai commencé à le lire dans le train entre Paris et Lille. Je ne l’ai plus lâché…

Plus qu’une grande théorie ou une analyse sur l’Armée Rouge, Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri ont fait parler une femme et quatorze hommes de leur vie et de leurs combats dans l’Armée Rouge durant la seconde guerre mondiale.

Et c’est hallucinant ! Il fallait être russe et soviétique pour tenir face aux Allemands et finalement pour l’emporter.

Je ne peux m’empêcher de vous citer deux extraits de ce recueil de témoignages:

  • Anatoly Ioumabaïevitch Guenatouline: « … Voilà, on faisait la guerre comme ça. Je pense qu’aucun autre peuple n’aurait pu supporter ça. Nous seuls le pouvions et c’est aussi la raison de notre victoire. Oui, nous n’étions pas prêts quand Hitler nous a attaqués, mais nous pouvions travailler et faire la guerre dans des conditions inhumaines. C’est grâce à ça que nous avons gagné. On dit que l’hiver nous a aidés. Peut-être, mais cette capacité à souffrir a joué un rôle majeur. Quelle autre nation aurait pu endurer ça ? Les Français ? Auraient-ils pu ? Bien sûr que non ! Les Allemands ? Pas plus ! Parce que ce sont des Européens! Ils sont différents. C’est la raison de notre victoire…« 
  • Marc Mikhaelovitch Volynets: Vanchenkin, que vous connaissez, estime que l’Armée rouge n’a pas du tout été préparée à la guerre. Je vous cite ses mots… : « Pourquoi avons-nous réussi à tenir tête ? Nous avons réussi parce que nous avons été préparés à cette guerre. Nous avons été habitués à négliger nos besoins, nos désirs, nos souhaits, à ne rien ressentir face à nos propres malheurs. Nous recevions cette réalité comme quelque chose de normal. Le système et le pouvoir nous ont préparés au pire du pire; nous ignorions la peur et nous ne réfléchissions pas; on affirmait partout que tout allait bien, que nous allions tous mourir dans la lutte comme un seul homme – ce slogan de kamikaze, c’était notre slogan le plus cher. Nous avons été voués à la victoire, mais à un cout humain monstrueux, plusieurs fois supérieur à celui des vaincus. … Rien ne pouvait nous casser, nous vaincre. Nous avions l’habitude d’une vie qui oscillait entre le mauvais et le pire. Ainsi nous étions prêts pour l’auto sacrifice. Même avant la guerre, la famine était la norme chez nous. Notre horrible niveau de vie était la norme pour nous. Deux ans de camps pour cinq minutes de retard au travail – c’était la réalité de notre vie quotidienne. La chasse au paysans, la politique de dékoulakisation. Les déportations de peuples. Les purges. Le goulag. Le convoi. Les chiens. Tout ça était en nous. Nous avons été programmés pour une surtension mortelle de nos forces. Nous avons été capables de gagner la guerre, nous étions prêts à survivre et à surmonter des souffrances et des privations surhumaines. Nous étions prêts çà nous traiter nous mêmes d’une manière inhumaine. Ainsi, nous étions plus prêts pour la guerre que n’importe quelle autre nation. »

Ces anciens combattants de l’avant et de l’arrière ne cachent rien des horreurs de la guerre qu’ils ont vécu, qu’ils ont subie et fait subir… Au delà de la propagande, des commissaires politiques, ils parlent également de leur arrivée dans l’armée comme de leur retour à la vie civile…

J’ai particulièrement apprécié le témoignage d’Elena Bonner (épouse de Sakharov) et ceux des différentes nationalités engagées dans le conflit (juifs ou géorgiens par exemple).

Des témoignages crus, directs, essentiels avant que les témoins ne disparaissent. Deux d’entre eux sont décédés depuis la rédaction de l’ouvrage.

A lire de toute urgence par les passionnés de l’histoire militaire de la seconde guerre mondiale.

Aux éditions du Seuil en 2011 avec des photos dans le texte.

Partager