Guerres & Histoire et les éditions Perrin se sont associés pour proposer ce mook !

C’est qui un mook ? C’est la contraction de magazine et de book. Donc plus qu’un magazine mais moins qu’un livre. Ce mook se présente sous la forme d’un beau volume de 168 pages dans un format de 21 cm sur 29 cm, tout en couleurs. J’avais découvert ce format pour la première fois en histoire militaire avec le mook proposé par Hugues Wenkin et les éditions Weyrich: Mook 1944.

Intéressons nous maintenant aux partis pris des deux éditeurs: on retrouve l’esprit du magazine Guerres & Histoire avec des articles et des questionnements originaux mais là où Guerres & Histoire est un magazine de vulgarisation, on a ici des analyses beaucoup plus en profondeur et ça change fondamentalement les choses. Par contre, l’illustration est globalement moins présente dans le mook que dans le magazine bimestriel. Le rythme de parution, si le succès est au rendez-vous, devrait être de deux numéros par an.

Que contient ce numéro 1 ?

On retrouve un dossier central, comme dans le bimestriel. Celui-ci est consacré à la question: « Hitler a-t-il eu une chance de l’emporter ? ». La question est traitée en sept articles:

  • Le III° Reich en 1939: des fondations minées. Benoist Bihan relativise complètement la puissance économique allemande au service des rêves disproportionnés de l’appareil nazi.
  • 1940: l’irruption de l’imprévisible. Si jusqu’à l’été 1940, tout semblait sourire au dictateur allemand, la mécanique va commencer à se gripper avec la confrontation à l’Empire britannique dès l’été au travers de la Manche. Entre impréparation, erreurs stratégiques et grains de sable… Une démonstration par Nicolas Aubin.
  • L’avénement de Churchill était-il inévitable ? Vu d’aujourd’hui, la question semble évidente… A relativiser avec Pierre Grumberg !
  • Hitler a-t-il perdu la guerre en Russie ? Une question lancinante à laquelle répond notre spécialiste francophone du sujet, Jean Lopez.
  • Les Etats-Unis pouvaient-ils ne pas entrer en guerre en Europe? Tout est possible mais là quand même ce serait oublier que l’Amérique était déjà devenu une puissance mondiale centrale… Par Vincent Bernard.
  • Trois mythes qui ont la vie dure. Courte synthèse sur la bataille d’Angleterre, la bataille de l’Atlantique et les « armes miracles » nazies. Une impression de « chasse aux mythes » déjà vue et revue. Par Pierre Grumberg.
  • La guerre s’est-elle joué à peu de choses ? Interview de l’historien britannique RIchard Overy par Pierre Grumberg.

Les autres articles:

  • Le capitaine Léger, maître de l’intox. Un bon coup que de ressortir cette interview de 1998, un an avant sa mort, de cet officier atypique, spécialiste du retournement de l’adversaire et de l’intoxication des unités de l’ALN. Un très beau travail en 18 pages avec de belles gouaches originales. Indispensable sur la bataille d’Alger et sur la « bleuite » ! Interview de Guillaume Zeller.
  • Crécy, Poitiers et Azincourt. Anatomie comparée de trois désastres. Un très bel exercice d’utilisation de l’infographie au service de l’analyse historique. On est complètement dans le style développé dans « Infographie de la Seconde Guerre mondiale » édité chez Perrin. D’où l’intérêt logique de la collaboration. Un beau tandem Frédéric Bey – Nicolas Guillerat.
  • Grouchy, qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Un format ici aussi bien original: le maréchal français est invité pour présenter sa défense au tribunal de l’Histoire. C’est vivant, dynamique avec l’analyse critique des écrits de l’époque. Par l’expérimenté Antoine Reverchon.
  • 1962, Chine et Inde s’affrontent dans l’Himalaya. On retrouve ici l’esprit de la rubrique « Caméra au poing » du magazine Guerres & Histoire. Un conflit peu connu mais caractéristique de l’agressivité chinoise dans les confins himalayens ! Par Jean Lopez.
  • Scipion l’Africain et Hannibal Barca, une rivalité légendaire. Magnifique travail sur l’historiographie pour le moins lacunaire qui a construit la légende des deux adversaires. Passionnant ! Par François Cadiou.
  • De la guerre en armure à la guerre en dentelles. Une très bonne analyse de l’évolution du vêtement et de l’équipement du soldat à partir de l’apparition de l’arme à feu. Très complet. Par Dominique Prévôt.
  • Le brouillard de guerre. Un article de Benoist Bihan comme je les aime. Une fois de plus, il bouscule une idée reçue ou plutôt une mauvaise interprétation d’une sentence de von Clausewitz ! 😉 Remarquable !
  • Malplaquet, la défaite qui sauve le royaume. Le titre peut sembler bien étrange. Mais Clément Oury en fait une magnifique explication passant allègrement de la dimension politique à la stratégie, de la campagne à la bataille et à ses conséquences.
  • Et si la Fronde avait vaincu les troupes royales. Apparition d’une rubrique uchronique. J’apprécie beaucoup l’idée mais je n’ai pas bien accroché au sujet d’Emmanuel Hecht. Dommage. Expérience à renouveler cependant !
  • Napoléon et Hitler face à l’invasion de la Russie. Quel plaisir de voir Thierry Lentz (en spécialiste de l’Empire) et Jean Lopez (en spécialiste du front russe pendant la Seconde Guerre mondiale) deviser autour de ce sujet. C’est dynamique, bien mené et il y a du niveau ! A renouveler ! Top !
  • Ils vont sortir. Livres d’histoire, romans, BD. On s’éloigne de la rubrique aux nombreuses entrées du magazine bimestriel. Moins fournie mais plus en profondeur. La rubrique commence par un futur ouvrage de Michel Goya consacré aux engagements de la France depuis la guerre d’Algérie à paraître chez Tallandier. Le deuxième ouvrage concerne une biographie de Gamelin par Max Schiavon à paraître chez Perrin. Troisième ouvrage consacré au traité de Cambrai entre François 1er et Charles Quint. L’originalité est que la négociation fut faite par deux femmes. Ensuite, un roman historique et une BD. Le traitement, généralement sur deux pages, permet une approche des auteurs par l’interview. Avec Jean Lopez et Stéphane Dubreil à la manoeuvre.

Donc, pour ma part, au final, j’ai apprécié ce nouveau format qui vient utilement compléter le bimestriel. Plus de densité, plus de profondeur d’analyse. Maintenant, il faut que le mook trouve sa place dans le paysage des périodiques sur l’histoire militaire francophone, surtout au rythme annoncé de deux par an qui pourrait faire oublier le magazine sauf en cas d’abonnement.

Prochain rendez-vous en novembre !

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