Quand cet ouvrage a gagné ma bibliothèque, je m’étais interrogé sur l’emploi du terme « ralliés ». Il s’agit bien d’un parti-pris des auteurs, Adila Bennedjaï-Zou et Joseph Confavreux, pour désigner les Français, les Musulmans de l’AFN et les Légionnaires passés à l’ennemi. Ce que, vu de l’armée française, on peut appeler communément des déserteurs.

Ce parti-pris fait evidemment de la cause vietminh, la « bonne cause », celle de l’indépendance du Vietnam. Toujours ce prisme de la « cause progressiste » qui perdure donc encore, même en ce début du 21ème siècle ! Comme si l’Histoire avait un sens !

Evidemment, les auteurs oublient d’expliquer le contexte et les méthodes de la guerre révolutionnaire du Vietminh qui amenèrent bien des Vietnamiens à faire le chemin inverse, se rallier à la France et je ne parlerai pas plus des « boat people » consécutifs à la fin de la guerre du Vietnam. Ah, les « causes progressistes » sont tellement idéales qu’on veut aussi les quitter…

Cette critique, lourde, passée, je vous conseille cependant de vous pencher sur cet ouvrage.

D’abord parce qu’il traite d’un sujet rare: le passage à l’ennemi lors d’une guerre révolutionnaire et la vie/l’emploi des dits « ralliés » au service de l’adversaire.

Ensuite, parce qu’il nous rapporte le parcours d’hommes pris dans la grand maelstrom d’une guerre longue, dans un pays lointain et d’un conflit révolutionnaire avec son lot d’atrocités, de manipulation des population, etc, etc…

L’ouvrage, plutôt que de nous présenter une approche analytique, argumentée et chiffrée du sujet, va donc se présenter comme une suite de quatre « études de cas » individuelles:

  • le sous-officier français passé à l’ennemi
  • le nord-africain
  • le déserteur allemand de la Légion Etrangère
  • et le cas du « non déserteur » parce que civil: Georges Boudarel

A la recherche des causes, on trouve quand même un substrat commun: le communisme, plus ou moins militant. A l’inverse d’un officier communiste comme Pierre-Alban Thomas, nos sujets étudiés vont trahir et passer à l’ennemi – pardon, je suis incorrigible, « se rallier ai Vietminh » !

Le problème c’est qu’il ne s’agit pas simplement d’arrêter le combat et d’être exfiltré, voire rapatrié. Les ralliés vont collaborer avec l’ennemi: combat, propagande, incitation à la désertion, endoctrinement, « ré-éducation » dans les camps de prisonniers viets. Bref, travailler pour la cause.

Un des intérêts de l’ouvrage est aussi de découvrir les conditions de vie difficiles qu’ils vont connaître, leur déracinement moral et culturel, leur implantation éventuellement longue au Vietnam (mariage et enfants) mais aussi leur retour dans leur pays d’origine dont la France.

On aura aussi, pour certains, le regard porté des vieillards qu’ils sont devenus sur leurs actions de l’époque.

A la lecture de l’ouvrage, on se rend compte que les auteurs se sont très largement basés sur « Les soldats blancs d’Ho Chi Minh » de Jacques Doyon, édité par Fayard en 1973. Ils ont complété le travail de Doyon en allant interviewer les survivants de cette époque et en particulier Boudarel sur les dernières années de sa vie.

Donc au final, cet ouvrage est utile pour mieux comprendre un fait qui resta finalement marginal dans la guerre d’Indochine.

Mais sincèrement, il eut été utile d’étudier, en parallèle, le ralliement inverse: des minorités jusqu’aux vietminh « retournés » comme ceux de Vandenberghe.

A lire en parallèle du visionnage de la fiction « Soldat Blanc » que je n’ai pas trouvée si mal que ça ! J’en reparlerai peut-être.

Passés à l’ennemi. De Adila Bennedjaï-Zou et Joseph Confavreux. 288 pages aux éditins Tallandier en août 2014.


Partager