Ligne de front #56

Un numéro riche et intéressant avec un dossier central sur la guerre éclair, le blitzkrieg.

Petite remarque en passant: « le » ou « la » blitzkrieg ? Pendant longtemps, on a parlé de la blitzkrieg, la guerre-éclair… Bon, ce serait visiblement du masculin… alors disons « le » ! 😀

Pendant longtemps, le blitzkrieg a été présenté comme l’alpha et l’oméga des succès allemands durant la seconde guerre mondiale; l’Allemagne nazie ne cédant que par la masse humaine soviétique et les tombereaux de matériel américain. Depuis une dizaine d’années, des auteurs et des enseignants-chercheurs relativisent cet « art de la guerre » germanique. C’est l’objet du dossier important consacré par Ligne de front dans ce numéro 56 du magazine. Bon, pour tout vous dire, je m’attendais à une n-ième redite car on a beaucoup écrit désormais sur le sujet… Et bien non… Cette somme d’articles reste bien intéressante.

L’idée générale est que cette « martingale » allemande fut avant tout tactique, limite opérationnelle, et qu’elle ne fut en aucun cas un modèle stratégique qui se perdra face à l’art opératif soviétique. En fait, pour ma part, je reste toujours sceptique sur ces approches intellectuelles où un balancier dans un sens en chasse un autre dans l’autre sens ! Comme s’il y avait un modèle « intellectuel » ultime qui devait l’emporter sur l’autre. De facto, le blitzkrieg fut au final terriblement efficace face à des adversaires faibles (Pologne, Yougoslavie) ou dépassés (France ou la Russie en 1941) mais l’apprentissage aidant et les moyens augmentant, il est clair qu’il avait atteint ses limites surtout quand les Allemands n’eurent plus les moyens de l’appliquer, particulièrement dans les immensités russes… Pour ma part, j’ai du mal à y voir un outil perverti à portée stratégique nulle. Ce qui fut nul chez les Allemands, ce fut la pensée stratégique tout court et surtout la mainmise d’un pouvoir politique incompétent sur le sujet. Chez les Soviétiques, ce ne fut guère mieux mais Staline sut au final écouter ses généraux un peu plus…

  • Les racines du Blitzkrieg. Par Alexandre Thers. Rappel des leçons tactiques tirées de la guerre 14-18 et le rôle joué (trop méconnu) par Von Seeckt dans la Reichwehr.
  • De la théorie à l’application. Un article très intéressant d’Alexandre Thers au travers de deux opérations: le « Plan Jaune » en Belgique et en France et le Plan Bleu » en Ukraine du Sud. Une analyse fine des conditions de succès et d’échec dans la mise en oeuvre du concept de blitzkrieg. Coopération inter-armes, rôle particulier de l’aviation, importance des communications radio, rôle du génie d’assaut.
  • De la transition à la défaite. Toujours Alexandre Thers. Trop court sur les raisons du déclin. De fait, l’armée allemande tout comme l’industrie du pays furent victimes de l’usure inéhérente à tout conflit auquel il faut ajouter la montée en puissance économique et militaire des principaux belligérants, le manque d’accès aux matières premières vitales, le bombardement stratégique et la dimension multi-front toujours rédhibitoire pour l’Allemagne en  guerre…
  • L’Italie, tactique et stratégie pour une guerre courte. Très intéressante approche du sujet par David Zambon, le spécialiste de l’armée italienne pour la seconde guerre mondiale. Il démontre la difficulté absolue de l’armée italienne à adopter le modèle de la « guerre-éclair »: manque de moyens globaux consacrés à la guerre, faiblesses des matériels blindés, motorisation indigente des unités, manque de collaboration air-sol. Seule l’artillerie semble tirer son épingle du jeu.
  • Le Japon, un principe offensif contrarié. Ici aussi, on peut jauger le concept appliqué par l’autre grand belligérant de l’Axe, à savoir le Japon. Si la culture  de l’armée nippone est toute dévouée à l’offensive, la rencontre avec l’art opératif soviétique en Mandchourie va vite mettre les élites militaires japonaises à la peine en matière de « guerre-éclair ». En même temps, la nature même des terrains rencontrés (jungle, coupures humides et îles du Pacifique) vont donner peu de raisons de développer une approche opérationnelle du sujet. Quelques démonstrations tactiques de la capacité nippone à utiliser les blindés lors du flux de début 1942… Intéressant. Par Pascal Colombier.
  • Epilogue en six points sur le succès du blitzkrieg et ses limites. Par Alexandre Thers.
  • Globalement bien documenté avec une bibliographie par article. Great ! 😉

Les autres articles du sommaire:

  • Un article, trop court  mon goût, sur la technologie du radar chez les principaux belligérants. Quatre pages pour cinq nations, c’est trop peu. Par Pascal Colombier.
  • Entretien avec David Zambon. Une première à ma connaissance, l’interview d’un auteur du magazine sur son sujet de prédilection: ici, l’armée italienne. Cette approche dynamique par question/réponse est vraiment à renouveler. Un excellent moyen de mieux connaître les auteurs et leurs projets. J’adore ! 😀
  • La neige et le feu. Décembre 1944: la 82nd Airborne Division en Ardenne. On connaît bien l’exploit de la 101st Airborne à Bastogne. L’engagement simultanée de la 82nd est moins connu. Dans cette première partie, Luc Vangansbeke nous relate les combats des aéroportés face à la « Leibstandarte SS Adolf Hitler », l’unité d’élite de la Waffen-SS. Avec organigramme et de nombreuses et trois cartes tactiques. Bibliographie.
  • Sang et gloire sur la Volkhov avec la SS-Polizei-Division, février à mai 1942. Un article classique de Didier Laugier sur l’engagement de cette division au sud de Léningrad. Assez germano-centré !
  • La rubrique « Recensions » nous propose quatre ouvrages et un film, « La chute du Reich » non encore visionné pour ma part.

Au final, un numéro qui m’a bien intéressé – comme souvent !

Ligne de front n°56. Juillet & août 2015. Retrouvez le magazine et ses « sister-ships » sur la page Facebook des éditions Caraktère ou sur le site du magazine.

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