Troisième livraison du Mook « De la guerre » dirigé par Jean Lopez !

Pour rappel, le Mook trouve sa place quelque part entre un magazine et un livre. Avec ses 188 pages, les articles sont plus profonds que ceux d’un magazine et plus illustrés que les chapitres d ‘un livre classique. Voir mes remarques sur les deux premiers numéros.

Le sommaire du numéro 3:

  • Dans la ville assiégée. En douze pages, Laurent Vissière nous propose de suivre un siège médiéval de la mise à l’abri des populations alentours jusqu’à la relève de la place encerclée. Très vivant avec de superbes illustrations couleurs.
  • Dans les pas d’Hitler. Un vrai plus de « De la guerre », exploiter la data et l’infographie pour permettre de comprendre un sujet. Lieux, déplacements, menaces, planning des journées. Ici, une approche innovante proposée par Jean Lopez !
  • Les métamorphoses du coureur de Marathon. Nicolas Siron nous plonge dans l’historiographie d’une légende, celle du célèbre coureur, porteur de nouvelles, Phillipidès. C’est passionnant de bout en bout de voir les constructions intellectuelles se déployer, disparaître, être remplacées. Un beau travail sur l’Histoire de l’Histoire ! A renouveler !
  • Charles X, avez-vous voulu la Saint-Barthélémy ? Ici aussi, on est dans l’innovation du traitement de l’Histoire. L’interview imaginée mais très sérieuse d’un personnage historique. Et quand c’est Didier Le Fur qui joue le jeu, il est clair que le contenu de l’interview sera particulièrement à la hauteur. Contextualisation, événements, conséquences, l’interview d’un roi ? On en redemande !
  • Gaugamèles, le chef d’oeuvre tactique d’Alexandre. Ah cette bataille, illustration de la bataille décisive chère à l’art de la guerre occidental ! C’est complet et magnifique illustré. Par Maxime Petitjean.
  • Une querelle d’Allemands. Attrition contre anéantissement. Passionnante controverse entre un jeune historien Hans Delbrück et le Grand Etat-Major prussien ! Par Benoit Bihan. Original et brillant, comme toujours !
  • Capa en Espagne: la peau au bout du Leica. Un portfolio de toute beauté contextualisé et expliqué par Jean Lopez.
  • Charles XII et Pierre le Grand. L’Alexandre du Nord contre le père de la Russie moderne. Deux destins tellement différents, deux nations si proches mais si éloignées, une confrontation sans concession de la Baltique au sud de l’Ukraine ! Passionnant. Par Clément Oury.
  • Le cheval de guerre médiéval. Aujourd’hui, on oublie l’importance qu’a eu le cheval dans les opérations militaires. De sa sélection aux caractéristiques d’un cheval de guerre, de sa position dans les sociétés combattantes à son entretien, on n’oserait dire son « bien-être animal »… Par David Fiasson, spécialiste de l’époque.
  • Questionnaire de Clausewitz appliqué au général Lecointre. Des « blitz réponses » ! 😉 Propos recueillis par Jean Lopez.
  • La galère mexicaine vue par un artiste. La campagne militaire lancée par Napoléon III est ici traitée au travers d’une série d’aquarelles commentées par Jean Lopez. Très belle iconographie !
  • Le Tchad, pays des Opex. Michel Goya, qu’on ne présente plus, nous livre une synthèse à la fois géostratégique, historique et militaire des opérations françaises dans ce pays d’Afrique des années 60 à aujourd’hui. Grandeur et décadence !
  • L’important c’est le cimier. Dominique Prévot se livre à une présentation des couvre-chefs de l’Antiquité à nos jours. Avec des termes précis pour enrichir votre vocabulaire !
  • Lady Thatcher, cheffe de guerre. Rien ne semblait prédestinait cette fille de commerçant à diriger la Grande Bretagne et encore moins à se retrouver à la tête d’une nation en guerre pour reconquérir des îles perdues aux antipodes. « Comment fait-on la guerre » demanda-t-elle. Maggie a appris et dirigé ! Par Emmanuel Hecht.
  • Le désastre de la RC4. Encore aujourd’hui et après avoir beaucoup lu sur le sujet, j’ai du mal à comprendre les errements, tergiversations, aveuglements du commandement. Et on ne peut pas dire que sur le terrain la manoeuvre fut « féline et manouvrière »… Il y a des conneries que l’héroïsme ne rattrape pas. Belle synthèse proposée par Jérôme Santelli avec des témoignages d’anciens combattants des deux camps.

Le reste des articles constitue un dossier centré sur un seul thème: Eté 1943, la guerre était-elle vraiment jouée ? Je l’avais gardé pour la fin et je l’ai trouvé un peu disparate, d’une densité moins forte que le reste des articles. Voici son contenu:

  • Le monde en guerre au solstice d’été. Tour d’horizon des doutes et des convictions des principaux belligérants. C’est synthètique et sans doute un peu court. Par Jean Lopez.
  • Koursk, la dernière offensive stratégique du Reich. Jean Lopez a écrit un ouvrage très complet sur le sujet et Roman Töppel s’est imposé par sa vision novatrice, il y a quelques années. Jean Lopez met en perspective ce que fut la bataille mais aussi ce qu’elle ne fut pas ! Le plan dans le plan ? Le piège dans le plan ? Le plan dans le piège ? Le piège dans le piège ? Bel exercice de réflexion !
  • L’année de la Méditerranée. Nicolas Aubin analyse les oppositions entre les visions britannique et américaine sur les enjeux du théâtre d’opérations méditerranéen. Belle mise en perspective des avantages et des contraintes au niveau géostratégique.
  • Opération Gomorah, l’invention de la destruction massive. Focus sur la guerre aérienne et les plans du Bomber Command pour éradiquer les villes allemandes. Une terrible montée aux extrêmes dans la destruction et la mort ! On dépasse la guerre, on est bien dans le crime de guerre. Mais le vainqueur emporte la mise… Par Pierre Grumberg.
  • La Libération de la Corse. Un enjeu franco-français. Sylvain Gregori, conservateur du Musée de Bastia nous livre les tenants et les aboutissants du sujet de la Libération de l’île. Le rôle joué par les maquisards sur le terrain, celui du parti communiste, les oppositions De Gaulle-Giraud, le manque de motivation des Alliés. Heureusement qu’en face, il y avait la déliquescente des Italiens et le peu de moyens des Allemands.
  • Opération Cartwheel ou comment neutraliser une forteresse sans y mettre les pieds. Benoist Bihan nous livre une analyse lumineuse des enjeux pour neutraliser l’île de Rabaul aux mains des Japonais. Tout en maîtrise !
  • Le monde en guerre à l’équinoxe d’automne. Une conclusion, avec une belle hauteur de vue, proposée par Jean Lopez. J’ai bien aimé l’image des mouvements tectoniques en cours: on sent en 1943 les mouvements qui vont mener à l’explosion de l’été 1944 ! Well done !

Lire un « De la guerre », c’est long, ça se déguste mais on en sort avec une impression d’avoir vraiment progressé dans la connaissance historique. Si « Guerres & Histoire » fait un magnifique travail de vulgarisation de l’Histoire militaire, « De la guerre » va plus loin dans les sujets étudiés avec des auteurs particulièrement affutés. Et quel beau produit d’édition. Et que d’innovations dans le traitement de l’Histoire. Merci à Jean Lopez qui marque d’une empreinte inoxydable son rôle dans l’historiographie française de ce début de siècle ! Et oui, j’assume ! 🙂

De la guerre n°3. Eté 2023. Un mook proposé par les Editions Perrin et co-édité par le Ministère des Armées.

 

 

Partager