10-14 mai 1940: Ardennes et Meuse, la France perd la guerre.

70ème anniversaire de la défaite de 1940 oblige, Champs de bataille a consacré ses deux derniers thématiques Seconde guerre mondiale aux opérations de l’été 1940 qui virent s’écrouler l’armée française.

Au sommaire de ce thématique n°4: les opérations de percée dans les Ardennes  et en particulier les opérations de franchissement de la Meuse:

  • Les plans et les forces en présence. Jean-Philippe Liardet fait le point sur les stratégies et les doctrines des belligérants ainsi que sur l’organisation des grandes unités qui allaient s’opposer. L’article est superbement appuyé d’organigrammes détaillés, de profils (un peu sombres) et d’une très belle carte pleine page. Bien !
  • L’offensive allemande. Cet article constitue l’essentiel du magazine. Il est signé de… Dominique Lormier. Ceux qui lisent régulièrement ce blog savent que je suis assez critique sur cet auteur et généralement de bonne composition pour tous les autres les historiens auteurs. C’est dire… Une fois de plus, Dominique Lormier m’a agacé, toujours avec les même pratiques. Je ferai une critique détaillée de cela à la fin de ce post. En attendant, l’article – au titre vague – se concentre bien sur la traversée des Ardennes puis sur les opérations de traversée de la Meuse. Avec une iconographie de qualité, d’originales photographies de reconstitueurs par Brice Charton, de belles cartes en demi-page et des encadrés intéressants de Jean-Philippe Liardet
  • La prise du fort de Villy-La Ferté par les Allemands le 19 mai 1940. Un article de Brice Charton entre bunker-archéologie, reconstitution et article historique. Intéressante relation des combats pour la prise d’une position fortifiée type « Maginot allégée » avec des photographies de l’auteur et appuyée par des cartes de belle facture, ce qui est un vrai point fort de la revue.
  • Les tourelles des chars français et allemands de 1940. Stéphane Commans nous livre un article très intéressant sur les forces et faiblesses comparées des tourelles de chars français et allemands tant dans leur conception que dans leur exploitation sur le champ de bataille. Le tout bien soutenu par des photos, des plans de tourelle et des informations techniques. Excellent !

Revenons maintenant au cas Dominique Lormier.

  • Dans la présentation de cet auteur, la rédaction de Champs de bataille fait référence à  ses « plus de 70 ouvrages »… qui ne sont pas tous sur l’Histoire de loin s’en faut. Mais au delà de l’Histoire, tout auteur est en droit d’écrire des ouvrages tels que: « Le sud-ouest mystérieux » aux éditions Sud Ouest 1990, « Le grand livre des fantômes » aux éditions Trajectoire en 2003 ou encore « Lourdes la miraculeuse: 150ème anniversaire » aux éditions Trajectoire en 2008.  Ça prouve juste l’éclectisme de l’auteur qui n’est pas un enseignant-chercheur spécialisé en histoire. Dont acte.
  • Mon sujet majeur d’agacement repose sur sa volonté permanente de faire passer quelques idées au forceps parmi lesquelles: les soldats français de 1940 n’ont pas démérité et c’est le haut-commandement qui a sérieusement été incompétent, quand ce n’est pas le politique. Quant on subit un désastre comme la campagne de 1940, c’est clair que le politique et le haut-commandement n’ont pas été bons ! Mais les « phrases tartinées de l’héroïsme des combattants », l’utilisation de sources occultées ou choisies en fonction de l’effet recherché ne dénotent pas, pour moi et chez Lormier, les qualités qui font un bon historien ! L’article dans la revue en est, une fois de plus, une illustration patente. Le problème est que la technique utilisée ne rend pas non plus un juste hommage à la qualité de nos adversaires… Pour illustrer mon propos, allons page 26: « Malgré une résistance acharnée des troupes françaises, écrasées sous le poids du nombre, la position est percée dès 10h30. L’artillerie française, placée en arrière, tente courageusement d’enrayer la progression de l’ennemi. Les français qui combattent avec le courage du désespoir, parviennent à conserver une partie du terrain… » Beaux effets de style mais pour quoi faire ? Pour apprendre quoi ? Ben que les choix stratégiques français sont pauvres, que la guerre est un art qui fait que le fort va au faible et que l’artillerie est derrière la ligne de combat …. ?  Toujours en page 26: « Vers 15h30, la résistance française est définitivement brisée sous l’écrasante supériorité numérique et matérielle de la 1.Panzer-Division. » Et quoi, nos adversaires ils ne sont pas aussi courageux que nos soldats ? Autant le dire et mettre en valeur le reste de leurs talents: formation des hommes, qualité de l’encadrement, doctrine tactique, communications,… Tous arguments qui viendraient prouver que les français n’ont pas été très bons, non plus, au niveau du soldat… Mais là, on irait à l’opposé de la thèse – répétitive – de l’auteur: « ils se sont battus comme des lions », n’est ce pas ? Pour ma part, je rectifierais… Ils se sont parfois battus comme des lions, les allemands aussi… mais ce n’est pas parler de la guerre et de son art… Pour ma part, à tous les niveaux, on a pris une pâtée monumentale, comme la grande catastrophe prussienne en 1806. On a été dépassé dans tous les compartiments du jeu… N’en déplaise à Dominique Lormier.
  • Lisez, comme je l’ai fait, quelques uns de ses autres ouvrages: Bir Hakeim ou La guerre italo-grecque par exemple. On y trouve les mêmes travers sur l’héroïsme du combattant de base dont les efforts… n’ont pas été reconnus… etc etc…
  • Ensuite, j’ai toujours un vrai problème avec la manie de l’auteur de sourcer ces ouvrages et articles de « archives militaires allemandes, « archives militaires françaises ». Si c’est pour dire qu’il s’est basé sur journaux de marche des unités, grand bien lui fasse. On connaît la qualité très variable de ces sources là. Mais de quoi vais je donc me plaindre ? Dans l’article présenté ici, quelques autres sources nous sont fournies: Karl-Heinz Frieser par exemple. Bien ! Mais de là à reprendre, in extenso, de larges extraits choisis par l’auteur…
  • Enfin, vous avez compris en quoi Lormier m’agace…, je l’espère… Mais bon, on ne peut pas plaire à tout le monde…
  • Allez, pour finir, encore une: sa conclusion. « Contrairement à ce qui a été souvent affirmé, l’armée française a opposé une résistance acharnée dans les Ardennes. Devant l’écrasante supériorité numérique et matérielle de l’armée allemande sur le front de la Meuse, le sort de la bataille des Ardennes semblait déjà joué d’avance ». Excellent résumé de mes critiques, non ? 😉

Mon conseil aux éditeurs spécialisés. Prenez la mesure des penchants de cet auteur et demandez lui les efforts nécessaires pour mieux faire son métier d’historien. Vous lui rendrez service et aux lecteurs également. Histoire & Collections a son Yves Buffetaut, seriez-vous à la recherche de son clone ?

Partager