La sortie du wargame Assaut sur Suez 1956 dans le dernier Vae Victis m’a amené à me replonger dans cet ouvrage de Paul Gaujac.


Rappelons le contexte.

En Égypte, le nationaliste arabe Nasser a pris le pouvoir, fermé le détroit d’Aqaba essentiel à l’économie israélienne et vient de nationaliser le canal de Suez. La Grande Bretagne n’admet pas le fait accompli. La France, engagée dans la guerre d’Algérie, souhaite également mettre au pas un Nasser qui soutient largement le FLN algérien. Quant aux israéliens, ils souhaitent rétablir la navigation et donner une leçon au leader égyptien.

Tous les ingrédients sont réunis pour une entente des trois pays sur le dos de l’Égypte. Une opération est décidée: les israéliens vont attaquer dans le Sinaï et les troupes franco-britanniques intervenir pour protéger la navigation dans le canal de Suez. Le problème est que trois premiers rôle pour une pièce, c’est difficile. Ce fut le cas également pour cette opération. Les britanniques vont prendre le leadership sur l’opération combinée sur l’Égypte mais ils ne veulent pas interagir avec les Israéliens et sont pusillanimes dans leurs buts de guerre. Quant aux français,  ils collaborent franchement avec les israéliens et désirent véritablement déposer Nasser pour mettre fin au soutien égyptien à la collaboration avec le FLN algérien. Qui plus est, ils vivent mal, et à raison, la mise sous tutelle britannique de leurs forces …

L’opération se réalise finalement de manière un peu chaotique avec une avancée (trop) rapide des Israéliens dans le Sinaï et quelques cafouillages dans l’opération combinée (et complexe) franco-britannique: timidité britannique, volonté de pousser des français…

Mais c’était oublier que les deux pays européens n’étaient plus les acteurs majeurs du monde de l’après guerre. L’URSS et les États-Unis vont intervenir pour mettre fin à l’opération militaire, les puissances européennes vont se retirer au profit de l’Onu, les israéliens vont évacuer le Sinaï et le détroit va être ouvert de nouveau… jusqu’à la prochaine guerre… en 1967.

Paul Gaujac et les Éditions Lavauzelle nous proposent ici un somptueux album de plus de 300 pages consacré à cette opération militaire.

L’ouvrage constitue pour moi, en édition française, la somme la plus aboutie sur cette opération qui peut sembler mineure mais qui a marqué une étape majeure de l’histoire de la diplomatie.

Les points forts de l’ouvrage:

  • un point très complet de la situation diplomatique de l’époque avec les intérêts convergents mais souvent divergents des futurs alliés: britanniques, français et israéliens
  • la présentation de la situation des armées: impréparation totale des britanniques et retrait du théâtre algérien pour des unités affutées comme les régiments parachutistes.
  • l’auteur s’étend largement sur la planification et la préparation de l’expédition particulièrement en ce qui concerne l’implantation des bases arrières à Chypre, les transports et la logistique
  • les différents plans opérationnels prévus et finalement retenus
  • le détail des opérations bien mis en valeur jusqu’au retrait des forces anglo-françaises et l’arrivée des troupes de l’ONU.
  • le volume et la qualité des illustrations:cartes en n/b, photos en n/b et un cahier de photos couleurs, organigrammes des unités terrestres, navales et aériennes

Les (rares) point faibles

  • malgré la volonté de l’auteur, l’approche reste majoritairement française. On aurait aimé des sources anglo-saxonnes plus développées.
  • une iconographie plus française également
  • l’absence des opérations israéliennes. Mais il est clair que l’auteur pouvait traiter son sujet indépendamment de l’évolution des opérations dans le Sinaï.

J’ai particulièrement apprécié les belles photographies aériennes des zones d’opération bien utiles aux wargamers intéressés par une opération qui , si elle fut de courte durée, n’en fut pas moins complexe et aboutie sur le plan militaire.

Au final, pour moi, un ouvrage de grande précision et une très belle réalisation de l’éditeur.

Vivement recommandé !

Suez 1956 de Paul Gaujac aux éditions Lavauzelle (1986).


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