Un mook ?

Hugues Wenkin et les sympathiques éditions Weyrich nous propose un véritable OVNI venu des Ardennes profondes: un MOOK !

Comprenez un magazine – livre (magazine + book = mook). En fait, ça ressemble à un magazine par la profusion des illustrations mais aussi à un livre par la qualité d’édition et par le nombre de pages (208 pages pour être précis !).

Après avoir mis en valeur cette nouveauté formelle, intéressons nous au contenu et aux auteurs !

Tout d’abord, le magazine est résolument tourné vers la seconde guerre mondiale. Bon, malgré le titre, pas seulement sur l’année 1944, hein !

Autre caractéristique, on sent bien l’origine belge du magazine (les Ardennes, ou plutôt l’Ardenne, c’est d’abord belge, si, si…) même si on trouve deux signatures bien connues en France: celle d’Hugues Wenkin et celle de Christophe Lafaye.

Ceci dit, vous vous retrouvez plongé dans 208 pages d’articles variés, de qualité, dans une approche originale et superbement illustrée.

C’est ce dont je vais essayer de vous convaincre en parcourant le sommaire de ce numéro 01/19 😉 :

  • Une belle préface d’Elie Barnavi sur le positionnement du mook et sur le choix du thème de ce numéro: Bastogne. Elie Barnavi est Directeur scientifique de Tempora (gestionnaire du Bastogne War Museum).
  • nous est proposé ensuite l’agenda du 75ème anniversaire de la bataille des Ardennes avec les événements prévus autour de cette commémoration du 15 mars 2019 au 12 janvier 2020. Original et intelligent !
  • Les premières V2 décollent de Belgique ! En quelques pages, Hugues Wenkin nous rappelle le point commun entre la célèbre fusée et l’Ardenne belge !
  • La nuit sera calme. En journaliste belge qu’il est, Jean-Paul Marthoz nous propose un reportage d’ambiance auprès de la population belge entre le 13 et le 15 décembre 1944 au soir… La nuit sera calme… Bonne idée !
  • Quand une V1 se tait. Petite explication technique en deux pages sur les instants qui précèdent l’explosion de la bombe volante. En deux pages non signées.
  • 16 décembre 1944, la guerre dans le monde. En quatre pages, mise en situation de l’avancement de la guerre sur tous les théâtres d’opérations du monde. Par Hugo Calkstein.
  • On attaque ensuite en quatre gros articles toute la thématique du Mook: Bastogne à la veille du choc.
  • Article 1: Hitler, le seul à y croire ? Hugues Wenkin nous propose une belle réflexion sur le plan allemand en 26 pages: des idées de départ au plan final, des différentes analyses de stratèges allemands, du secret des plans élaborés jusqu’à la montée en ligne des unités. Un très bon article, bien structuré et passionnant de bout en bout.
  • Article 2: Dwight Eisenhower: un sans-faute dans les Ardennes ! Par contre, j’ai nettement moins accroché à cet article-ci. Sur la forme, il s’agit d’une interview de Luc De Vos par Jean-Paul Marthoz. J’ai trouvé l’article très hagiographique. Le problème est que la lecture récente des ouvrages de Nicolas Aubin ou de Daniel Feldmann & Cédric Mas m’ont donné une image bien différente et fort documentée du sujet… J’ai eu l’impression de recevoir une leçon quelque peu datée… C’est là sûrement un point faible du mook dans cette première version; il nous est délivré sans sources toujours utiles pour le lecteur… Un dernier point, c’est dans cet article que j’ai ressenti le plus la « belgitude » du mook. Car un Français a un peu de mal à encaisser: « C’est un peu comme la première guerre mondiale, ce qui reste, c’est l’Yser, les Flanders Fields. Qui se souvient de Tirlemont ou de Mons, des combats en Ardenne du côté de Rossignol ». La Marne, la Somme, le Chemin des Dames, c’est pas mal non plus…non mais ! 😉
  • Article 3: Sacrifiés contre du temps ! Ici, de nouveau un très bon article sur les unités qui vont se prendre de front les assauts de Wacht am Rhein. L’auteur , Mathieu Billa, nous présente les unités et va au delà de l’image donnée généralement à ces unités. Il met aussi en avant la difficulté à retracer le parcours et les événements précis dans le chaos des opérations initiales de l’offensive à travers un exemple bien choisi.
  • Article 4: La Panzer-Lehr-Division fonce sur Bastogne. Ici aussi, du tout bon. Après nous avoir décrit l’état de cette unité emblématique de ma Wehrmacht, Franck Rockenbrod nous situe l’importance du noeud routier de Bastogne, le rôle assigné à la division, ses mouvements réels et les problèmes rencontrés qui vont mener au siège de Bastogne… Bien clair.
  • Article 5: Le 501st PIR bloque la poussée allemande. De nouveau, Hugues Wenkin à la manoeuvre pour nous présenter l’impréparation complète de l’unité engagée dans une course poursuite vers Bastogne, les erreurs de destination prises et la capacité des unités de base à engager un combat de rencontre sans préparation ni plan préalable. Heureusement qu’il s’agissait d’aéroportés… Beau choix de cartes…
  • Après cette série d’articles de fond, le mook finit sur quelques articles plus légers mais qui contribuent à construire sa ligne éditoriale, au final, originale.
  • A propos du Musée de Diekirch. L’origine et l’esprit de ce musée du Luxembourg qui est vraiment très bien
  • Une proposition de randonnée sur le terrain avec des QR codes. C’est pas original, ça ? 😉
  • Les historiens au combat: comment l’US Army écrivait son histoire. Un article sur l’historiographie que le lecteur passionné que je suis a dévoré ! Sujet jamais couvert à ma connaissance et mené de main de maître par Christophe Lafaye ! Bravo ! On en redemande !
  • Le Tiger de Jemappes. Un Tiger II abandonné sur une route belge… L’auteur, Daniel Ruelens, cherche à retracer son itinéraire jusqu’à cette route et cherche à comprendre son abandon, appuyé de maintes photos. Il nous explique aussi la « triste » fin de près de 70 tonnes de bon acier allemand… 😉
  • Correspondre en temps de guerre: les disques souples au service du soldat… Surprenant ! Par Patrick Hilgers.
  • La Jeep, un parfum de scandale. Ou comment le vrai concepteur de la jeep (Bantam) s’est fait doubler par Willys ! Au final, 2.675 Bantam, 350.851 Willys et 227.896 pour Ford sous licence Willys ! Du capitalisme féroce et retors ! Well done ! Par Clément Binon.
  • Gilbert, le GI de la Black Company n’a jamais connu William, son war baby. La « petite histoire » avec cette aventure humaine de destins qui se croisent… Touchant ! Par Philippe Carrozza.
  • Bastogne War Museum. Présentation du musée sur deux pages.
  • Une rubrique Recensions au beau titre: « L’ivre d’histoire ». Cinq ouvrages.

Ma conclusion:

  • Un réel effort éditorial plein de bonnes idées et qui s’ajustera dans le temps, j’imagine…
  • Un pari éditorial fait par un éditeur sans concession…
  • Un écrin magnifique, du papier de qualité, des illustrations originales, bien mises en valeur.
  • Pour, au final, un prix de 20€. C’est bien au delà des magazines habituels mais ça vaut franchement le coup d’essayer… C’est un nouveau concept et il faut soutenir les idées originales !
  • pour l’instant, disponible chez l’éditeur mais j’ai cru comprendre qu’une solution de diffusion en France devrait être disponible sous peu…
  • en plus, vous avez un site web dédié au magazine !

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