La revanche de la géographie Robert Kaplan

C’est très rare que je sois aussi partagé sur un ouvrage.

De fait, je lis rarement un ouvrage qui, je le sais d’avance, ne m’intéressera pas. Pour tout dire, j’avais une grosse attente sur celui-ci car il réunissait quelques éléments d’intérêt majeurs pour sa lecture, selon mes critères personnels:

  • il concerne tout d’abord la géopolitique, un de mes centres d’intérêt favori un peu trop délaissé depuis quelques temps
  • qui plus est, le titre laisse à penser que la géographie y joue un rôle clé. Ce qui me motive d’autant plus quand on connaît mon penchant pour « la géopolitique à la française » du géographe Yves Lacoste !
  • ensuite, je trouvais intéressant d’avoir une approche résolument anglo-saxonne compte tenu de ma culture bien française du sujet 😉 mais aussi du rôle central joué par les anglo-saxons et particulièrement les Etats-Unis d’Amérique dans le monde d’aujourd’hui…
  • enfin, le commentaire concis mais néanmoins très flatteur d’Henry Kissinger ne pouvait que me motiver également… !

Il y avait donc une grande attente sur cet ouvrage et bien évidemment, c’est souvent le cas, cette attente a été déçue.

Le problème est qu’il m’est difficile d’expliquer vraiment pourquoi !

Tout d’abord mes points de satisfaction:

  • J’ai vraiment adoré la référence régulière à des auteurs anglo-saxons qui m’étaient souvent connus que de nom comme Mackinder, MorgenthauCorbett, Mearsheimer. Evidemment, on croise aussi Toynbee, Mahan, Huntington, Kissinger ou Luttwak qui ne me sont pas inconnus. C’est franchement là un de mes plaisirs favoris que de croiser de nouveaux auteurs référents dans une discipline.
  • Les auteurs français ne sont, à ma surprise, pas absents. Un très bel hommage est rendu au travail de Fernand Braudel, on croisera aussi Raymond Aron. Y a pire !
  • J’ai apprécié le champ embrassé: on part de la genèse des idées et des courants de pensée, les concepts clés sont explicités et une analyse, j’ai envie de dire pratique et engagée, de chaque point clé du monde nous est proposée. Sont couverts: la puissance américaine, de l’Empire carolingien à l’Union européenne, le complexe russe, le rêve chinois, l’Inde entre deux mondes, le réveil de l’Iran. Le chapitre « Braudel, le Mexique et la vision stratégique » clôt l’ouvrage pour les Etats-Unis.

Alor qu’est ce qui ne va pas, me direz-vous ?

  • d’abord, j’ai mis un temps fou à lire ce livre  et je ne peux me l’expliquer que par le style de l’auteur ou par la traduction peut être. J’ai rarement pu lire plus de vingt à trente pages d’affilée. Non que le sujet n’était pas passionnant mais la manière de poser les sujets ou le style m’ont été pénibles.
  • ensuite, le titre me paraît quand même usurpé car Kaplan parle autant, si ce n’est plus, de l’histoire que de la géographie ! OK, la géographie caractérise de manière presque immuable des éléments déterminants de la géopolitique des nations mais l’histoire a sacrément marqué les constructions géopolitiques et l’auteur y fait référence en permanence. Sur ce point là, l’auteur est vraiment moins efficace qu’Yves Lacoste par exemple.
  • un autre point qui m’a dérangé c’est aussi la référence à ses expériences de voyages personnels. Le passage d’une frontière qui lui permet de poser le début d’une réflexion géopolitique… ça fait très « récit à l’américaine » mais ça tombe souvent à plat chez moi.

Au final, j’ai donc plutôt bien aimé cet ouvrage pour les apports théoriques et les analyses actuelles et futures sur notre monde toujours en évolution géopolitique. Mais sincèrement dans ma bibliothèque, je reprendrai bien plus volontiers l’un de mes Chaliand, Encel ou Lacoste !

La revanche de la géographie. Ce que les cartes nous disent des conflits à venir. De Robert D. Kaplan. Aux éditions du Toucan. 526 pages avec cartes dans le texte, un index et notes de bas de page.

 


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