L’entretien est très intéressant et j’attends avec impatience le numéro 4 de cette belle revue qui s’annonce passionnant !
J’espère cependant que nous ne serons pas dans un démolissage en règle de ce que Pierre Grumberg considère comme un mythe, car il me semble exagéré de parler ici de « défaite stratégique ».
Je m’explique : à mon sens, il faut replacer l’affaire de Pearl Harbor dans son contexte mondial et ne surtout pas se limiter à l’affrontement nippo-américain (qui a débuté bien avant le 7 décembre 1941, sur le champ de bataille diplomatique, politique et économique). Or, au début du mois de décembre 1941, les Allemands menacent toujours Moscou et Leningrad : un peu partout dans le monde, y compris à Tokyo, on considère que l’URSS est à genoux et que la victoire allemande s’annonce comme inéluctable ; de son côté, en Méditerranée et en Europe occidentale, la Grande-Bretagne est seule en guerre contre l’Axe et des courants politiques favorables à une paix de compromis avec Berlin existent toujours à Londres ; et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont très actifs. En frappant la flotte américaine du Pacifique, les Japonais ne s’inscrivent pas dans une guerre sur le long terme (ils savent pertinemment que dans un tel cas, ils ne pourront pas gagner et c’est précisément ce qui va se produire) mais dans un véritable hold-up sur le Pacifique et l’Asie du sud-est. C’est d’ailleurs comme ça que leur campagne est planifiée. Ils s’engagent dans une course contre la montre, consistant à s’emparer d’un maximum de territoires (riches en matières premières notamment) avant que l’Amérique ne se relève et ne soit en état de répliquer. Ils tablent sur le fait qu’ils auront quelques mois pour mener à bien leurs opérations, et qu’entretemps l’Union soviétique aura été vaincue par les armées allemandes ou qu’elle sera en passe de l’être, et que la Grande-Bretagne sera neutralisée ou a minima fort occupée en Afrique du Nord. Si tel avait été le cas, on peut se demander quelle aurait été l’attitude des États-Unis ?
Je rappelle enfin qu’à la fin 1941 le Japon n’a pas d’autre choix que d’attaquer, puisque les embargos américains (pétrole, acier, minerais de fer, etc.) étranglent la machine de guerre japonaise qui est massivement engagée en Chine. Quant à la Navy, il serait intéressant de se pencher sur sa doctrine de « Fleet in Being » ; une doctrine identique à celle des Italiens au moment où ils ont été attaqués par les « Stringbags » à Tarente en 1940, avec les effets que l’on connaît sur les amiraux de la Regia Marina. Un précédent fort intéressant dans le cas de Pearl Harbor (et pour cause… le concepteur de l’attaque sur Pearl avait visité en long, en large et en travers les installations de Tarente après le raid britannique), car si les Italiens ont perdu quelques belles unités dans la rade de Tarente, l’impact a surtout été désastreux sur le plan psychologique.
Pour finir, je partage totalement l’analyse de Pierre Grumberg sur l’exploitation de Pearl Harbor par les Américains ; ce fut, en effet, un formidable catalyseur pour faire entrer l’Amérique tout entière dans la guerre !
@Yannis Kadari: et ben, en voilà un qui a quelque chose à dire ! 😉 Merci pour cette longue participation ! Le bouquin ? Quel sujet ? Je viens de finir l’article sur Horrocks dans le dernier Batailles & blindés. Bien intéressant en effet ! 😉
Euh j’avoue que je suis sceptique suite à la vision de la vidéo. Je ne suis pas un spécialiste de la guerre du Pacifique. Je peux comprendre que le désastre de Pearl Harbor pour les américains aient été amplifiés a des fins de propagande.. Mais ne tombe t on pas dans l’effet inverse en qualifiant l’attaque japonaise de désastre pour le japon. Succès à court terme et échec sur le long terme ?
@kamizaze en paille de riz: ce que j’aime bien dans les dossiers de Guerres & Histoire c’est la part de provocation des neurones devant les « évidences » rabâchées… après, on est capable de relativiser tout ça avec notre background historique. En plus, les sources utilisées sont toujours citées…. j’adore ! 😉
Six à huit mois : c’est le délai que les Japonais s’étaient donnés pour s’emparer de ce dont ils avaient besoin, principalement de territoires riches en matières premières et en pétrole. Passé cette fenêtre de tir, leurs études prospectives montraient que leurs chances de victoire face aux États-Unis se réduisaient considérablement ; s’ils prennent un tel risque, c’est bien parce qu’ils n’ont pas le choix. Pearl Harbor, à mon sens, est à considérer comme un raid préparatoire à une série d’opérations-éclair. J’insiste : la décision d’attaquer la flotte américaine est à replacer dans le contexte du mois de novembre 1941.
Quant aux Américains, il y a des signes qui ne trompent pas, comme leur volonté absolue de renflouer et de remettre en état le « Wee-Wee », le cuirassé West Virginia ; la symbolique en est forte, à défaut d’autre chose, car le navire est ancien. Et des symboles, après Pearl, il y en aura quelques dizaines, à commencer par la cérémonie de remise de décoration de Doris Miller, matelot afro-américain, par l’amiral Chester Nimitz début 1942 (alors que la Navy est encore plus ségrégationniste que l’Army !).
Un point qui peut aller en faveur de la non victoire japonaise (un désastre me parait un mot un peu fort au vue du résultat) c’est que
– les installations de pearl sont intactes, ce qui permet à la flotte du pacifique d’agir aussi bien qu’avant (le fameux 3e raid annulé)
– paradoxalement c’est une chance pour les US que les navires japonais n’aient pas été détectés. Si ça avait eu lieu ils auraient surement sortie leur flotte pour tenter quelque chose, et les cuirassés auraient étés coulés en haute mer, et donc non renflouables. sur les unités coulées à pearl, seul 2 (de mémoire) ne sont pas renflouées. Une destruction en haute mer aurait condamné l’ensemble des unités.
@tous: et bien ça prouve que Jean Lopez et son équipe ont bien choisi le sujet et que le mode « provoc » fait copieusement réagir ! Well done ! Rendez-vous le 16 décembre ? 😉
En fait, c’est un peu gênant que M. Grumberg dise « on n’est pas provocateurs ». Ses arguments sont bien fondés, mais parler exclusivement de « désastre japonais » sur une attaque dont je vous laisse chercher le ratio pertes US/pertes nippones, si ce n’est pas de la provocation, je n’ai pas de mot pour la décrire.
A titre personnel, j’ai déjà lu une analyse de ce genre dans le livre de John Campbell « la seconde guerre mondiale » (1989). J’ai lu ce livre (plus jeune que moi) il y a bien longtemps, autant dire qu’il a pas mal structuré mon point de vue sur Pearl.
Deux points me frappent particulièrement. Stratégiquement, l’attaque a « obligés » les Américains à entrer en guerre totale contre eux.
Militairement, en mettant hors de combat leurs cuirassés, les Japonais les ont « obligés » à se battre avec principalement leurs porte-avions, ce qui s’est avéré très efficace.
Dans les deux cas, on peut se demander quel tour l’Histoire aurait prise sans Pearl ? Peut-être pas une entrée en guerre aussi tranchée et déterminée à aller jusqu’à la reddition ? Peut-être un rôle plus effacé ou plus tardif pour les porte-avions ?
Ironiquement, les Japonais ont « choisi » pour les Américains sur les deux points, points qui restent des symboles/clichés qu’on a sur la guerre du Pacifique. Il serait intéressant d’estimer ce que les Américains auraient fait sans l’attaque de Pearl.
@Rob1: et bien finalement tu viens confirmer un peu l’ « erreur stratégique » des japonais dans leur attaque de Pearl Harbor: engagement à fond des E-U dans le conflit et basculement dans la guerre aéro-navale. Grumberg en parle aussi. Je ne m’attendais pas à ce que cet article fasse autant réagir. Good ! 😉
Non, comme l’a dit Yannis, les japonais été obligé de frapper les ricain devant l’étranglement économique mener par les sanctions, la guerre était inévitable, jamais Roosevelt n’aurait lâcher du leste. Mais le germany firts n’a jamais été remis en cause, et l’effort US sur le pacifique n’a jamais été aussi important que pour l’Europe… C’est dire la capacité de production du pays.
Il faut quand même voir que depuis 1940 Roosevelt à fait passer des lois pour faire monter l’économie US à plein régime et aide l’Angleterre de tel manière que les allemands ce considère presque en guerre contre les usa à l’été 41 (je ne le dirais jamais assez, lire wages of destruction d’Adam Tooze, c’est un must, même moi pour qui l’économie c’est du chinois, ça reste clair à lire et vraiment informatif).
Pour la guerre aéronaval c’est loin de mon domaine, mais les USA n’était pas manchot non plus de ce coté là, je les vois mal ne pas utiliser les porte-avions à fond même sans Pearl.
J’ai suivi vos échanges avec beaucoup d’intérêt. Il va de soi que le dossier répond à toutes vos questions.
Juste un mot rapide : je ne souscris pas à la vision d’un Japon « forcé » à attaquer l’Amérique.
D’une part, rien n’a « forcé » le Japon à mettre le pied en Indochine en 1940, un geste éminemment agressif. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder la position respective de Hanoï et des Philippines. Déjà, cette intervention avait justifié des sanctions américaines, assez molles d’ailleurs. Mais après cet avertissement sans frais, comment pouvait-on croire à Tokyo que les Américains resteraient les bras croisés lors de la mainmise sur Saïgon, à l’été 1941 ?
D’autre part, Roosevelt, qui n’avait aucun besoin d’une guerre dans le Pacifique, a toujours laissé une porte ouverte à la négociation, tant en 1940 qu’en 1941. Si les Japonais ont été forcés, c’est par eux-mêmes et par leur propre politique de fuite en avant suicidaire. Avoir cru qu’ils pourraient attaquer Pearl Harbor puis tenter de négocier une issue six mois plus tard était une erreur monumentale : la forme même de l’attaque, sa brutalité sans préavis, interdisait une solution de ce genre. Pearl Harbor, pour un gain tactique mineur, a donc plongé le Japon dans un conflit qu’il ne pouvait en aucun cas remporter.
Maintenant, tout cela sera développé dans notre dossier, dans lequel vous trouverez, je l’espère, quelques infos nouvelles !
Et merci pour votre intervention. Ce débat s’annonce passionnant ; vivement la sortie de la revue et la publication de ce dossier, qui sera de qualité, je n’en doute pas.
Je suis cependant en désaccord avec cette partie de votre intervention : « D’une part, rien n’a « forcé » le Japon à mettre le pied en Indochine en 1940, un geste éminemment agressif. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder la position respective de Hanoï et des Philippines. Déjà, cette intervention avait justifié des sanctions américaines, assez molles d’ailleurs. »
À mon sens, il faut considérer le problème du point de vue japonais ; or, pour Tokyo, l’enjeu principal c’est la Chine, que Tokyo cherche à isoler par tous les moyens afin d’en finir avec une guerre qui s’éternise (et pour laquelle elle a d’énormes besoins en matières premiéres). Je m’explique : en s’emparant de la cité portuaire de Canton en 1938, les Japonais privent les armées de Tchang Kaï Chek d’une importante base logistique et cette stratégie d’étouffement se poursuit en 1939 et 1940, avec des résultats spectaculaires (tous les grands ports en eau profonde sont cadenassés, à l’exemple de Xiamen ou Shantou). À cette époque, Tchang Kaï Chek n’a alors plus que deux voies d’approvisionnement à sa disposition, deux cordons ombilicaux pour recevoir son ravitaillement :
– Il y a la route de Birmanie – ou plutôt une piste caravanière étroite, sinueuse et faite de terre battue – qui schématiquement part de Rangoon pour atteindre Kounming. La circulation n’y est pas aisée et donc très lente, et les accidents nombreux.
– Et puis, il y a la ligne de chemin de fer qui relie Haiphong, en Indochine française, à Nanning ; un axe de circulation ferroviaire sûr et relativement rapide qui autorise le transport de grosses quantités de marchandises. Et c’est la raison pour laquelle les Japonais vont intervenir en Indochine (après avoir fait pression sur la France pour qu’elle coupe cette ligne dès 1938, mais sans succès) ; c’est d’ailleurs la même raison qui poussera Tokyo à exiger de Londres que la route de la Birmanie soit fermée, ce que Winston Churchill acceptera de faire durant l’été 1940, avant de revenir sur sa décision en octobre ou novembre (je ne sais plus), pour des raisons qui seraient trop longues à exposer ici.
En s’installant en Indochine, les Japonais s’ouvrent la possibilité d’y baser des avions, dont la principale mission sera le harcèlement des convois routiers et la destruction des ouvrages d’art sur la route birmane, que les volontaires américains des « Flying Tigers » de Chennault essaieront de protéger, depuis leur terrain de Kunming (avec l’assentiment des plus hautes autorités américaines, dont celui de la Maison blanche).
Quant aux sanctions américaines, je ne les trouve pas si « molles », puisque Washington en arrive quand même à un embargo total (ou presque) à l’encontre du Japon, avec interdiction pour les firmes industrielles américaines (et leurs filiales, y compris celles installées à l’étranger) de commercer avec l’Empire du soleil levant, ainsi qu’au blocage des avoirs japonais aux États-Unis à partir de l’été 1941. Dans le même temps, les États-Unis font entrer la Chine dans le programme du Lend-Lease (datant de mars) dès le mois d’avril 1941, ce qui revient à prendre position dans le conflit.
Bref, on est dans un quasi état de guerre entre le Japon et les USA, et le temps ne joue pas pour les Japonais, ce qui remet en perspective leur raid sur Pearl. La question est : qu’auraient-ils pu faire d’autre que d’attaquer les premiers, et par surprise. Et je suis certain que le magazine répondra à cette interrogation.
Précision : je suis ici en tant que lecteur et passionné d’histoire, et non en tant que patron de Caraktère. Je tiens à le préciser, pour éviter toute méprise.
Cher Jean-Luc, cher Yannis, c’est un plaisir que de participer à ce débat. Je ne partage pas la vision de Yannis, on s’en doute, mais qu’il me pardonne si j’attends la sortie du magazine. Il sera bien temps de reprendre notre débat quand tout le monde aura les cartes (géographiques) en main.
Cher Pierre Grumberg, vous êtes cent fois « pardonné », j’attends le magazine avec impatience (comme à chaque fois) et je serai ravi de découvrir le dossier sur Pearl Harbor.
Quant au fait d’être en désaccord, c’est évidemment une excellente chose, car c’est en confrontant ses idées avec celles des autres que l’on progresse dans sa perception d’événements historiques complexes.
@Yannis Kadari et @Pierre Grumberg: messieurs, vous devinez que vos échanges ici me comblent… Je vous en remercie de la part de tous les blogueurs amateurs d’Histoire militaire ! 😉
Tout à fait. Notez que je ne suis pas tout seul dans cette affaire. Regardez l’interview de Benoist Bihan, vous verrez qu’il a lui aussi quelques idées sur le désastre !-)
J’ai écouté l’intervention de M. Grumberg et suis un peu étonné de voir qu’il reprend telles quelles les thèses d’Allan Zimm. J’ai lu l’ouvrage dont il est question (Attack on Pearl Harbor : Strategy, Combat, Myth, Deception) et je ne pense pas qu’il soit irréprochable. La première partie est certes excellente et apporte des éléments très intéressants, mais ensuite le livre en devient excessif jusqu’au ridicule.
M . Zimm torture les chiffres, établit des modèles approximatifs pour étayer sa théorie. Les statistiques, les constructions intellectuelles ne peuvent cependant remplacer le bon sens, et quelque soient les réserves légitimes sur l’efficacité de l’attaque japonaise, le bilan tactique peut difficilement être qualifié de ‘désastre’.
Les faits, pour reprendre l’expression de M. Grumberg, sont en effet parlants : la marine impériale japonaise a, au prix de 27 appareils, cassé la flotte cuirassée américaine, détruit plus de 200 avions et tué près de 3.000 marins ; elle a également permis à l’armée de commencer l’invasion du sud-est asiatique, conquête qui sera achevée en un temps record avec des pertes minimes.
Ce livre semble s’inscrire dans une curieuse tendance historique. La marine impériale japonaise a longtemps été décrite – de façon excessive – comme une force invincible qui n’a été battue que par un coup du sort, à Midway. L’excès est maintenant en sens inverse, et ses qualités guerrières, pourtant indéniables, sont de plus en plus souvent contestées. C’est à mon sens de l’idéologie, et à titre personnel, je préfère l’histoire. J’invite les personnes intéressées par un regard neuf et dépassionné sur la guerre du Pacifique à consulter les ouvrages de John B. Lundstrom, Anthony Tully ou Jon Parshall (pour ne citer qu’eux) plutôt que le pamphlet de M. Zimm.
C’est vrai que je me suis appuyé sur Alan Zimm. Vous verrez dans l’article que nous ne reprenons pas ses théories à 100 %. Et vous verrez également que Jon Parshall (que vous semblez estimer beaucoup, à juste titre) partage en grande partie les idées d’Alan Zimm. Ce dernier vise à provoquer, nous ne tombons pas forcément dans le panneau. Mais son tableau des dommages subis par les navires américains est incontestable (j’ai pu vérifier moi-même en lisant des rapports écrits par les capitaines des dits navires après la bataille). Sur huit cuirassés, 4 sont réellement hors de combat (dont deux définitivement). Et, à part du menu fretin, le reste de la flotte n’est guère touché. Est-ce que ça valait la peine de risquer la totalité des porte-avions japonais pour ça, et pour se retrouver de surcroît en guerre avec la première puissance industrielle (sachant qu’on attaque de surcroît en même temps la première puissance navale et le premier empire colonial, en plus d’une guerre en cours contre la première puissance démographique).
Je ne qualifie pas le bilan tactique de désastre : le qualificatif concerne l’aspect stratégique. Ce que nous montrons, c’est simplement que l’attaque n’a pas été un modèle de conception ni d’exécution, comme on peut toujours le lire à peu près partout.
Parlons enfin des « faits ». La marine impériale n’a pas « cassé » la flotte cuirassée américaine. 50 % des cuirassés réchappent de l’affaire de Pearl, sans compter les navires disponibles dans l’Atlantique (où leur usage est limité, car fin 1941 les unités de surface de la Kriegsmarine restent au port). Ces cuirassés auraient-ils pu enrayer l’attaque du Sud-Est asiatique ? On peut en douter, sinon au prix d’un suicide que les Américains n’auraient pas risqué après avoir observé le sort réservé au Repulse et au Prince of Wales (de fait, les cuirassés endommagés ou pas sont partis gentiment se faire greffer un radar et une DCA correcte sur la côte Ouest).
Quant aux 200 avions détruits, il s’agissait pour une bonne part de modèles obsolètes, remplacés en quelques jours. Leur destruction, une fois le raid passé, n’aurait été utile que dans la perspective d’une action soutenue, voire d’une invasion, que les Japonais n’avaient pas prévue. Je vous laisse le plaisir de découvrir la suite dans le magazine : il sort vendredi.
Ah, un dernier mot : Alan Zimm n’est pas seul à avoir émis des réserves sur la réussite tactique du raid sur Pearl Harbor. En fait, l’essentiel de notre argumentaire a été construit sur les travaux de Willmott, Parshall et Morrison.
J’entends bien que le raid sur Pearl Harbor n’est pas le modèle de planification et de réalisation que l’histoire ‘traditionnelle’ présente. J’entends bien que l’entrée en guerre du Japon est une catastrophe pour ce pays qui n’a pas les moyens de gagner la guerre.
Néanmoins, je pense qu’il faut rester mesuré dans la déconstruction du mythe et ne pas donner dans l’excès inverse. Même si je comprends le côté légèrement provocateur de votre intervention, je ne pense pas qu’il soit exact de dire que le Japon a ‘rendu service’ à l’Amérique en attaquant Pearl Harbor.
Je pense qu’il est facile, 70 ans après, de relativiser le bilan de l’attaque japonaise, et d’oublier le choc qu’elle a représenté pour les contemporains.
La perte de 2 cuirassés – plus ceux endommagés qui ne reprendront la mer qu’en 1944 pour certains – peut difficilement être qualifiée de négligeable à cette époque. La Royal Navy qui perd également à cette époque 2 cuirassés détruits (Prince of Wales et Repulse) et 2 autres endommagés (Queen Elizabeth et Valiant) en est fortement secouée.
De même, votre remarque sur l’obsolescence des appareils détruits à Pearl Harbor me fait penser que vous mesurez mal la pénurie d’appareils de combat dans le Pacifique jusqu’à fin 1942. Les appareils, début 1942, ne sont pas remplacés en quelques jours : à Midway, le corps des marines, aligne essentiellement des F2A Buffalo et des SB2U Vindicator, pourtant bien plus obsolètes que les F4F-3 Wildcat et SBD Dauntless détruits (entre autres) à Pearl Harbor. Au début de la campagne de Guadalcanal, il y a peu, très peu d’appareils à déployer dans le Pacifique sud, ce qui pèse sur la décision de l’amiral Fletcher de retirer ses porte-avions (il sait que le remplacement des avions perdus sera difficile).
Pareillement, on oublie très facilement les quelque 3.000 marins, marines et soldats tués lors de l’attaque. Au delà du drame humain, il y a une perte d’hommes qualifiés d’autant plu sévère que l’armée et la marine avaient un besoin criant d’hommes déjà entraînés à un moment d’expansion sans précédent.
Si j’ai dit que le Japon a rendu service à l’Amérique (ou à la cause alliée) en l’attaquant, vous avez raison, c’est une c… et je m’en veux (je vais tout bien réécouter…). On ne rend jamais service à quiconque en l’attaquant, et le Japon, n’en déplaise à toute une école révisionniste, n’est pas tombé dans un soit-disant piège tendu par Roosevelt. Ce qui est certain, c’est en revanche que l’attaque a eu des effets contre-productifs pour le Japon, que nous listons (en évitant d’exagérer au passage la radicalisation de l’opinion américaine, comme vous pourrez le lire).
L’attaque a été vécue, là aussi vous avez raison, comme un traumatisme, un désastre. Le cuirassé était encore un symbole de la puissance navale et il va de soi qu’en couler quatre a eu une portée, disons, morale gigantesque (mais pas au point que l’espéraient les Japonais, Yamamoto en tête). Nous ne réagissons pas cependant comme à l’époque, mais avec le recul des années, ce qui nous permet de dire que cette perte, finalement, n’a guère eu de conséquence pratique.
Un petit mot de détail enfin sur les avions détruits. Les difficultés de remplacement dont vous parlez (à juste titre) portent sur les avions embarqués, pas sur ceux de l’Army Air Force. Or, Navy et Marines confondus ont perdu le 7 décembre, « friendly fire » inclus, 13 chasseurs (dont au moins 12 F-4F3) et 21 bombardiers (dont au moins 16 SBD Dauntless). 34 appareils en tout. Même en tenant compte de la pénurie, on ne peut pas dire que ces pertes aient pu remettre en cause la capacité de combat de la Navy. Quant aux avions de l’Army Air Force, je ne sais pas à quelle cadence ils ont été remplacés, mais on peut supposer que, vu l’urgence de défendre Hawaï contre une invasion toujours possible, des stocks de P-40 ont pu être prélevés sur la côte Ouest, voire sur les stocks « prêt-bail » en partance. Les Etats-Unis ont tout de même produit plus de 26 000 avions en 1941…
Les pertes subies à Pearl Harbor, encore une fois, n’auraient été significatives que si les Japonais avaient tenté d’envahir Oahu. Dans ce cas, en effet, les Américains n’auraient pas eu le temps de remplacer les pertes. Pour le reste, l’impact des destructions peut être considéré comme négligeable.
Merci cependant pour cette excellente remarque, qui m’a obligé à remettre le nez dans les chiffres (cette histoire de remplacement à Oahu me chiffonne, je vais chercher…).
Enfin, un mot sur les pertes humaines : 2335 tués et disparus en tout, dont un peu plus de 2000 marins, pour plus de la moitié dans l’Arizona. C’est beaucoup, bien sûr, mais je ne partage pas votre analyse en terme de pénurie de personnel. Ces membres d’équipage perdus seraient évidemment restés à bord de leurs cuirassés inutiles. Mais en mettant momentanément hors service les dits cuirassés, les Japonais ont « démobilisé » involontairement une grande quantité d’hommes, qui ont pu être réutilisés sur des unités légères, en manque de personnel. Je me contente là de citer Willmott.
Ah, j’ai trouvé le chiffre que je cherchais… Ou au moins une indication. Selon Parshall, les Américains disposaient de 275 avions à Hawaï en Avril 1942.
Autre remarque sur la décision de Fletcher de se retirer des eaux de Guadalcanal : cette décision visait non pas à économiser les avions mais surtout les porte-avions, infiniment plus précieux car infiniment plus longs à construire. Que les Américains aient eu le sentiment de manquer d’avions, ça, je veux bien le croire, on n’en a jamais trop, mais dans l’ensemble c’est plutôt les Japonais qui ont souffert (dès Pearl Harbor en fait) du manque d’avions et de pilotes. Il me semble que vous exagérez à votre tour la portée de la pénurie côté américain. Mais c’est une très bonne question, je vais donc aller y voir de plus près.
La question de l’obsolescence des modèles présents à Midway mérite également attention. C’est vrai que le Buffalo et le Vindicator étaient largement dépassés en juin 1942. Pour autant, la question de leur remplacement ne tient pas seulement à un problème de disponibilité du matériel (des avions plus performants étaient disponibles à Hawaï). Le facteur temps entre en jeu, ainsi que la logistique, la formation des équipages, le sentiment d’urgence, la perception de la menace… Notez par exemple qu’à Midway, les Marines n’ont pas pu utiliser, faute d’entraînement adéquats, leurs SBD Dauntless tous neufs dans le rôle de bombardiers en piqué…
j’ai manqué de temps et de place pour développer ce que je n’ai qu’évoqué la dernière fois, et je vais essayer de préciser mes propos (brièvement car le temps m’est encore compté).
Je crains de ne pas comprendre votre remarque sur les Buffalo et Vindicator à Midway ; elle me semble conforter ce que j’ai dit précédemment, à savoir que l’US Navy et l’US Marine Corps manquaient cruellement d’appareils au début de la guerre. certaines unités ont conservé plusieurs mois des appareils dépassés et d’autres sont allées au combat sans entraînement, faute d’avoir reçu à temps leur équipement.
Je crains en effet de ne pas exagérer la pénurie d’appareils en première ligne dans le Pacifique jusqu’à la fin de l’été 1942. Le site suivant (http://www.history.navy.mil/a-record/ww-ii/loc-ac/loc-ac.htm) donne l’ordre de bataille aérien de la marine et du corps des marines à des dates régulières. Je vous invite à en télécharger quelques-uns ; vous verrez, l’inventaire n’est pas impressionnant. Les 275 appareils disponibles à Hawaii en avril 1942 font cruellement défaut ailleurs, en particulier dans le Pacifique sud qui est presque sans défense jusqu’à l’automne.
Je rebondis au passage sur ces 275 appareils, qui sont immobilisés inutilement à Pearl Harbor pendant des mois (la situation fera scandale fin 1942) justement en raison de la peur d’une nouvelle attaque japonaise sur Hawaii. C’est à mon sens une preuve que l’attaque japonaise sur Pearl Harbor est, malgré de légitimes réserves, un indéniable succès tactique et opérationnel.
La décision de l’amiral Fletcher a été largement et brillamment étudiée par John B. Lundstriom dans « Black Shoe Carrier Admiral ». Bien évidemment, elle n’est pas motivée uniquement par l’attrition des groupes aériens de ses porte-avions ; la crainte – bien légitime – d’une attaque aérienne ou sous-marine et la nécessité de mazouter ont également fortement pesé.
Un dernier mot, qui abonde dans le sens de l’intervention de Francis Marlière. Je cite/traduis à la va-vite Eric Bergerud (Fire in the Sky, The Air War in the South Pacific, p.238) : « Pendant les mois qui ont précédé et suivi Pearl Harbor, les forces armées américaines ont du attendre que la production réponde aux attentes. La pénurie a sévi sur bien des types d’avions, accompagné par un manque sévère de pièces. (p.238) » Et Bergerud insiste sur le fait que la situation a été encore pire sur les théâtres secondaires comme le Sud Pacifique. Dont acte. Cela ne retire rien au fait que les défenses de Hawaï ont été rapidement reconstituées – cf chiffre cité plus haut – et que les Américains ont gagné leurs batailles aériennes avec une marge numérique correcte dès que la nécessité stratégique l’imposait (notamment à Midway). Peu ou prou, les porte-avions ont toujours reçu tout au long de 1942 un contingent optimal d’avions. Question de priorité. Je repompe encore Bergerud : la Navy disposait le 7 décembre 1941 de 350 F-4F, les Marines de 60. Ce n’est pas énormes, mais les 13 pertes subies à Pearl Harbor (dont une bonne partie par effet du feu ami) sur ce type d’appareil ne représentent que 3-4 % du stock. Est-ce insurmontable ?
Que les Américains aient été mal préparés, sous staffés et sous équipés fin 1941, c’est évident ! Mais je ne vois pas en quoi les avions perdus à Pearl Harbor, dont un grand nombre étaient des engins obsolètes (disons, encore plus obsolètes que le Buffalo pour faire bref), auraient changé quoi que ce soit à la situation. Ces avions seraient restés à Oahu, parce que cette base était d’un intérêt stratégique majeur. Que les Américains, après le camouflet reçu, ait ressenti le besoin de la défendre est totalement compréhensible (Nimitz ne voulait pas finir comme Kimmel).
@tous: merci à tous de votre participation active sur bir-hacheim.com. Une énorme satisfaction pour un blogueur. Je vous propose de suspendre vos réflexions jusqu’à la sortie – très prochaine maintenant – du G&H n°4,le 16. Pierre Grumberg a tout particulièrement beaucoup de travail au delà de sa passion pour l’histoire mili ! 😉
Je reviens très vite, puisque le numéro est sorti (nous préparons la suite, déjà…).
D’abord, je souhaiterais préciser que le livre d’Alan Zimm n’est pas un pamphlet, mais un ouvrage bien construit, bien réfléchi et solidement argumenté. J’en ai discuté (longuement) avec Jon Parshall, qui partage la plupart des conclusions d’Alan Zimm.
Ensuite, je persiste et signe sur la portée nulle des destructions infligées à l’aviation de Pearl Harbor. Ces avions n’auraient nullement pu servir autre part qu’à Oahu et de toute façon l’impact de quelques dizaines d’avions supplémentaires, aux Philippines ou ailleurs, n’aurait rien changé tant la supériorité japonaise était acquise.
Les pertes relativement faibles subies par la Navy à Pearl ont très vite été comblées (les porte-avions qui ont mené les raids du début 1942 contre les Japonais l’ont fait à plein effectif). Quant à la présence d’avions obsolètes à Midway, il s’agit simplement d’une question de responsabilité. La défense de la base n’incombait pas comme Hawaï à l’USAAF mais aux Marines et à la Navy, dont les équipes locales étaient équipées de vieux Buffalo et autres Vindicator.
S’il y a donc eu victoire tactique des Japonais à Pearl Harbor, ce qui me paraît évident et que notre dossier ne dément absolument pas, sa portée ne dépasse pas celle du mois, au mieux.
L’entretien est très intéressant et j’attends avec impatience le numéro 4 de cette belle revue qui s’annonce passionnant !
J’espère cependant que nous ne serons pas dans un démolissage en règle de ce que Pierre Grumberg considère comme un mythe, car il me semble exagéré de parler ici de « défaite stratégique ».
Je m’explique : à mon sens, il faut replacer l’affaire de Pearl Harbor dans son contexte mondial et ne surtout pas se limiter à l’affrontement nippo-américain (qui a débuté bien avant le 7 décembre 1941, sur le champ de bataille diplomatique, politique et économique). Or, au début du mois de décembre 1941, les Allemands menacent toujours Moscou et Leningrad : un peu partout dans le monde, y compris à Tokyo, on considère que l’URSS est à genoux et que la victoire allemande s’annonce comme inéluctable ; de son côté, en Méditerranée et en Europe occidentale, la Grande-Bretagne est seule en guerre contre l’Axe et des courants politiques favorables à une paix de compromis avec Berlin existent toujours à Londres ; et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont très actifs. En frappant la flotte américaine du Pacifique, les Japonais ne s’inscrivent pas dans une guerre sur le long terme (ils savent pertinemment que dans un tel cas, ils ne pourront pas gagner et c’est précisément ce qui va se produire) mais dans un véritable hold-up sur le Pacifique et l’Asie du sud-est. C’est d’ailleurs comme ça que leur campagne est planifiée. Ils s’engagent dans une course contre la montre, consistant à s’emparer d’un maximum de territoires (riches en matières premières notamment) avant que l’Amérique ne se relève et ne soit en état de répliquer. Ils tablent sur le fait qu’ils auront quelques mois pour mener à bien leurs opérations, et qu’entretemps l’Union soviétique aura été vaincue par les armées allemandes ou qu’elle sera en passe de l’être, et que la Grande-Bretagne sera neutralisée ou a minima fort occupée en Afrique du Nord. Si tel avait été le cas, on peut se demander quelle aurait été l’attitude des États-Unis ?
Je rappelle enfin qu’à la fin 1941 le Japon n’a pas d’autre choix que d’attaquer, puisque les embargos américains (pétrole, acier, minerais de fer, etc.) étranglent la machine de guerre japonaise qui est massivement engagée en Chine. Quant à la Navy, il serait intéressant de se pencher sur sa doctrine de « Fleet in Being » ; une doctrine identique à celle des Italiens au moment où ils ont été attaqués par les « Stringbags » à Tarente en 1940, avec les effets que l’on connaît sur les amiraux de la Regia Marina. Un précédent fort intéressant dans le cas de Pearl Harbor (et pour cause… le concepteur de l’attaque sur Pearl avait visité en long, en large et en travers les installations de Tarente après le raid britannique), car si les Italiens ont perdu quelques belles unités dans la rade de Tarente, l’impact a surtout été désastreux sur le plan psychologique.
Pour finir, je partage totalement l’analyse de Pierre Grumberg sur l’exploitation de Pearl Harbor par les Américains ; ce fut, en effet, un formidable catalyseur pour faire entrer l’Amérique tout entière dans la guerre !
Yannis
Oups, je me rends compte que mon commentaire est, disons, un peu long ; désolé 🙂
Bone, je sors, et je retourne à l’écriture de mon prochain bouquin.
Bye,
@Yannis Kadari: et ben, en voilà un qui a quelque chose à dire ! 😉 Merci pour cette longue participation ! Le bouquin ? Quel sujet ? Je viens de finir l’article sur Horrocks dans le dernier Batailles & blindés. Bien intéressant en effet ! 😉
Taratatata… Trop tôt pour parler du bouquin 😉
Et, en plus, j’ai épuisé mon crédit de commentaire pour les deux ans qui viennent ! 🙂
@Yannis Kadari: et qui en parlait du bouquin ? je vis des scoops, moi ! 😉
Moi j’ai un scoop : mon tigrou a fait une dent *sort*
Euh j’avoue que je suis sceptique suite à la vision de la vidéo. Je ne suis pas un spécialiste de la guerre du Pacifique. Je peux comprendre que le désastre de Pearl Harbor pour les américains aient été amplifiés a des fins de propagande.. Mais ne tombe t on pas dans l’effet inverse en qualifiant l’attaque japonaise de désastre pour le japon. Succès à court terme et échec sur le long terme ?
@kamizaze en paille de riz: ce que j’aime bien dans les dossiers de Guerres & Histoire c’est la part de provocation des neurones devant les « évidences » rabâchées… après, on est capable de relativiser tout ça avec notre background historique. En plus, les sources utilisées sont toujours citées…. j’adore ! 😉
Six à huit mois : c’est le délai que les Japonais s’étaient donnés pour s’emparer de ce dont ils avaient besoin, principalement de territoires riches en matières premières et en pétrole. Passé cette fenêtre de tir, leurs études prospectives montraient que leurs chances de victoire face aux États-Unis se réduisaient considérablement ; s’ils prennent un tel risque, c’est bien parce qu’ils n’ont pas le choix. Pearl Harbor, à mon sens, est à considérer comme un raid préparatoire à une série d’opérations-éclair. J’insiste : la décision d’attaquer la flotte américaine est à replacer dans le contexte du mois de novembre 1941.
Quant aux Américains, il y a des signes qui ne trompent pas, comme leur volonté absolue de renflouer et de remettre en état le « Wee-Wee », le cuirassé West Virginia ; la symbolique en est forte, à défaut d’autre chose, car le navire est ancien. Et des symboles, après Pearl, il y en aura quelques dizaines, à commencer par la cérémonie de remise de décoration de Doris Miller, matelot afro-américain, par l’amiral Chester Nimitz début 1942 (alors que la Navy est encore plus ségrégationniste que l’Army !).
Un point qui peut aller en faveur de la non victoire japonaise (un désastre me parait un mot un peu fort au vue du résultat) c’est que
– les installations de pearl sont intactes, ce qui permet à la flotte du pacifique d’agir aussi bien qu’avant (le fameux 3e raid annulé)
– paradoxalement c’est une chance pour les US que les navires japonais n’aient pas été détectés. Si ça avait eu lieu ils auraient surement sortie leur flotte pour tenter quelque chose, et les cuirassés auraient étés coulés en haute mer, et donc non renflouables. sur les unités coulées à pearl, seul 2 (de mémoire) ne sont pas renflouées. Une destruction en haute mer aurait condamné l’ensemble des unités.
@tous: et bien ça prouve que Jean Lopez et son équipe ont bien choisi le sujet et que le mode « provoc » fait copieusement réagir ! Well done ! Rendez-vous le 16 décembre ? 😉
t’aurais pu mettre la seconde vidéo ceci dit, ça n’aurait pas mangé plus de place 😉
En fait, c’est un peu gênant que M. Grumberg dise « on n’est pas provocateurs ». Ses arguments sont bien fondés, mais parler exclusivement de « désastre japonais » sur une attaque dont je vous laisse chercher le ratio pertes US/pertes nippones, si ce n’est pas de la provocation, je n’ai pas de mot pour la décrire.
A titre personnel, j’ai déjà lu une analyse de ce genre dans le livre de John Campbell « la seconde guerre mondiale » (1989). J’ai lu ce livre (plus jeune que moi) il y a bien longtemps, autant dire qu’il a pas mal structuré mon point de vue sur Pearl.
Deux points me frappent particulièrement. Stratégiquement, l’attaque a « obligés » les Américains à entrer en guerre totale contre eux.
Militairement, en mettant hors de combat leurs cuirassés, les Japonais les ont « obligés » à se battre avec principalement leurs porte-avions, ce qui s’est avéré très efficace.
Dans les deux cas, on peut se demander quel tour l’Histoire aurait prise sans Pearl ? Peut-être pas une entrée en guerre aussi tranchée et déterminée à aller jusqu’à la reddition ? Peut-être un rôle plus effacé ou plus tardif pour les porte-avions ?
Ironiquement, les Japonais ont « choisi » pour les Américains sur les deux points, points qui restent des symboles/clichés qu’on a sur la guerre du Pacifique. Il serait intéressant d’estimer ce que les Américains auraient fait sans l’attaque de Pearl.
@Rob1: et bien finalement tu viens confirmer un peu l’ « erreur stratégique » des japonais dans leur attaque de Pearl Harbor: engagement à fond des E-U dans le conflit et basculement dans la guerre aéro-navale. Grumberg en parle aussi. Je ne m’attendais pas à ce que cet article fasse autant réagir. Good ! 😉
Non, comme l’a dit Yannis, les japonais été obligé de frapper les ricain devant l’étranglement économique mener par les sanctions, la guerre était inévitable, jamais Roosevelt n’aurait lâcher du leste. Mais le germany firts n’a jamais été remis en cause, et l’effort US sur le pacifique n’a jamais été aussi important que pour l’Europe… C’est dire la capacité de production du pays.
Il faut quand même voir que depuis 1940 Roosevelt à fait passer des lois pour faire monter l’économie US à plein régime et aide l’Angleterre de tel manière que les allemands ce considère presque en guerre contre les usa à l’été 41 (je ne le dirais jamais assez, lire wages of destruction d’Adam Tooze, c’est un must, même moi pour qui l’économie c’est du chinois, ça reste clair à lire et vraiment informatif).
Pour la guerre aéronaval c’est loin de mon domaine, mais les USA n’était pas manchot non plus de ce coté là, je les vois mal ne pas utiliser les porte-avions à fond même sans Pearl.
@Joma: attendons le 16 décembre, ça nous promet de beaux débats ! 😉
J’ai suivi vos échanges avec beaucoup d’intérêt. Il va de soi que le dossier répond à toutes vos questions.
Juste un mot rapide : je ne souscris pas à la vision d’un Japon « forcé » à attaquer l’Amérique.
D’une part, rien n’a « forcé » le Japon à mettre le pied en Indochine en 1940, un geste éminemment agressif. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder la position respective de Hanoï et des Philippines. Déjà, cette intervention avait justifié des sanctions américaines, assez molles d’ailleurs. Mais après cet avertissement sans frais, comment pouvait-on croire à Tokyo que les Américains resteraient les bras croisés lors de la mainmise sur Saïgon, à l’été 1941 ?
D’autre part, Roosevelt, qui n’avait aucun besoin d’une guerre dans le Pacifique, a toujours laissé une porte ouverte à la négociation, tant en 1940 qu’en 1941. Si les Japonais ont été forcés, c’est par eux-mêmes et par leur propre politique de fuite en avant suicidaire. Avoir cru qu’ils pourraient attaquer Pearl Harbor puis tenter de négocier une issue six mois plus tard était une erreur monumentale : la forme même de l’attaque, sa brutalité sans préavis, interdisait une solution de ce genre. Pearl Harbor, pour un gain tactique mineur, a donc plongé le Japon dans un conflit qu’il ne pouvait en aucun cas remporter.
Maintenant, tout cela sera développé dans notre dossier, dans lequel vous trouverez, je l’espère, quelques infos nouvelles !
Bonsoir Pierre Grumberg,
Et merci pour votre intervention. Ce débat s’annonce passionnant ; vivement la sortie de la revue et la publication de ce dossier, qui sera de qualité, je n’en doute pas.
Je suis cependant en désaccord avec cette partie de votre intervention : « D’une part, rien n’a « forcé » le Japon à mettre le pied en Indochine en 1940, un geste éminemment agressif. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder la position respective de Hanoï et des Philippines. Déjà, cette intervention avait justifié des sanctions américaines, assez molles d’ailleurs. »
À mon sens, il faut considérer le problème du point de vue japonais ; or, pour Tokyo, l’enjeu principal c’est la Chine, que Tokyo cherche à isoler par tous les moyens afin d’en finir avec une guerre qui s’éternise (et pour laquelle elle a d’énormes besoins en matières premiéres). Je m’explique : en s’emparant de la cité portuaire de Canton en 1938, les Japonais privent les armées de Tchang Kaï Chek d’une importante base logistique et cette stratégie d’étouffement se poursuit en 1939 et 1940, avec des résultats spectaculaires (tous les grands ports en eau profonde sont cadenassés, à l’exemple de Xiamen ou Shantou). À cette époque, Tchang Kaï Chek n’a alors plus que deux voies d’approvisionnement à sa disposition, deux cordons ombilicaux pour recevoir son ravitaillement :
– Il y a la route de Birmanie – ou plutôt une piste caravanière étroite, sinueuse et faite de terre battue – qui schématiquement part de Rangoon pour atteindre Kounming. La circulation n’y est pas aisée et donc très lente, et les accidents nombreux.
– Et puis, il y a la ligne de chemin de fer qui relie Haiphong, en Indochine française, à Nanning ; un axe de circulation ferroviaire sûr et relativement rapide qui autorise le transport de grosses quantités de marchandises. Et c’est la raison pour laquelle les Japonais vont intervenir en Indochine (après avoir fait pression sur la France pour qu’elle coupe cette ligne dès 1938, mais sans succès) ; c’est d’ailleurs la même raison qui poussera Tokyo à exiger de Londres que la route de la Birmanie soit fermée, ce que Winston Churchill acceptera de faire durant l’été 1940, avant de revenir sur sa décision en octobre ou novembre (je ne sais plus), pour des raisons qui seraient trop longues à exposer ici.
En s’installant en Indochine, les Japonais s’ouvrent la possibilité d’y baser des avions, dont la principale mission sera le harcèlement des convois routiers et la destruction des ouvrages d’art sur la route birmane, que les volontaires américains des « Flying Tigers » de Chennault essaieront de protéger, depuis leur terrain de Kunming (avec l’assentiment des plus hautes autorités américaines, dont celui de la Maison blanche).
Quant aux sanctions américaines, je ne les trouve pas si « molles », puisque Washington en arrive quand même à un embargo total (ou presque) à l’encontre du Japon, avec interdiction pour les firmes industrielles américaines (et leurs filiales, y compris celles installées à l’étranger) de commercer avec l’Empire du soleil levant, ainsi qu’au blocage des avoirs japonais aux États-Unis à partir de l’été 1941. Dans le même temps, les États-Unis font entrer la Chine dans le programme du Lend-Lease (datant de mars) dès le mois d’avril 1941, ce qui revient à prendre position dans le conflit.
Bref, on est dans un quasi état de guerre entre le Japon et les USA, et le temps ne joue pas pour les Japonais, ce qui remet en perspective leur raid sur Pearl. La question est : qu’auraient-ils pu faire d’autre que d’attaquer les premiers, et par surprise. Et je suis certain que le magazine répondra à cette interrogation.
Précision : je suis ici en tant que lecteur et passionné d’histoire, et non en tant que patron de Caraktère. Je tiens à le préciser, pour éviter toute méprise.
Bonne soirée
@Pierre Grumberg: merci de passer par ici ! Plus que 10 jours à attendre ! Le débat est bien lancé ! 😉
Cher Jean-Luc, cher Yannis, c’est un plaisir que de participer à ce débat. Je ne partage pas la vision de Yannis, on s’en doute, mais qu’il me pardonne si j’attends la sortie du magazine. Il sera bien temps de reprendre notre débat quand tout le monde aura les cartes (géographiques) en main.
Cher Pierre Grumberg, vous êtes cent fois « pardonné », j’attends le magazine avec impatience (comme à chaque fois) et je serai ravi de découvrir le dossier sur Pearl Harbor.
Quant au fait d’être en désaccord, c’est évidemment une excellente chose, car c’est en confrontant ses idées avec celles des autres que l’on progresse dans sa perception d’événements historiques complexes.
Bonne soirée
@Yannis Kadari et @Pierre Grumberg: messieurs, vous devinez que vos échanges ici me comblent… Je vous en remercie de la part de tous les blogueurs amateurs d’Histoire militaire ! 😉
Tout à fait. Notez que je ne suis pas tout seul dans cette affaire. Regardez l’interview de Benoist Bihan, vous verrez qu’il a lui aussi quelques idées sur le désastre !-)
J’ai écouté l’intervention de M. Grumberg et suis un peu étonné de voir qu’il reprend telles quelles les thèses d’Allan Zimm. J’ai lu l’ouvrage dont il est question (Attack on Pearl Harbor : Strategy, Combat, Myth, Deception) et je ne pense pas qu’il soit irréprochable. La première partie est certes excellente et apporte des éléments très intéressants, mais ensuite le livre en devient excessif jusqu’au ridicule.
M . Zimm torture les chiffres, établit des modèles approximatifs pour étayer sa théorie. Les statistiques, les constructions intellectuelles ne peuvent cependant remplacer le bon sens, et quelque soient les réserves légitimes sur l’efficacité de l’attaque japonaise, le bilan tactique peut difficilement être qualifié de ‘désastre’.
Les faits, pour reprendre l’expression de M. Grumberg, sont en effet parlants : la marine impériale japonaise a, au prix de 27 appareils, cassé la flotte cuirassée américaine, détruit plus de 200 avions et tué près de 3.000 marins ; elle a également permis à l’armée de commencer l’invasion du sud-est asiatique, conquête qui sera achevée en un temps record avec des pertes minimes.
Ce livre semble s’inscrire dans une curieuse tendance historique. La marine impériale japonaise a longtemps été décrite – de façon excessive – comme une force invincible qui n’a été battue que par un coup du sort, à Midway. L’excès est maintenant en sens inverse, et ses qualités guerrières, pourtant indéniables, sont de plus en plus souvent contestées. C’est à mon sens de l’idéologie, et à titre personnel, je préfère l’histoire. J’invite les personnes intéressées par un regard neuf et dépassionné sur la guerre du Pacifique à consulter les ouvrages de John B. Lundstrom, Anthony Tully ou Jon Parshall (pour ne citer qu’eux) plutôt que le pamphlet de M. Zimm.
C’est vrai que je me suis appuyé sur Alan Zimm. Vous verrez dans l’article que nous ne reprenons pas ses théories à 100 %. Et vous verrez également que Jon Parshall (que vous semblez estimer beaucoup, à juste titre) partage en grande partie les idées d’Alan Zimm. Ce dernier vise à provoquer, nous ne tombons pas forcément dans le panneau. Mais son tableau des dommages subis par les navires américains est incontestable (j’ai pu vérifier moi-même en lisant des rapports écrits par les capitaines des dits navires après la bataille). Sur huit cuirassés, 4 sont réellement hors de combat (dont deux définitivement). Et, à part du menu fretin, le reste de la flotte n’est guère touché. Est-ce que ça valait la peine de risquer la totalité des porte-avions japonais pour ça, et pour se retrouver de surcroît en guerre avec la première puissance industrielle (sachant qu’on attaque de surcroît en même temps la première puissance navale et le premier empire colonial, en plus d’une guerre en cours contre la première puissance démographique).
Je ne qualifie pas le bilan tactique de désastre : le qualificatif concerne l’aspect stratégique. Ce que nous montrons, c’est simplement que l’attaque n’a pas été un modèle de conception ni d’exécution, comme on peut toujours le lire à peu près partout.
Parlons enfin des « faits ». La marine impériale n’a pas « cassé » la flotte cuirassée américaine. 50 % des cuirassés réchappent de l’affaire de Pearl, sans compter les navires disponibles dans l’Atlantique (où leur usage est limité, car fin 1941 les unités de surface de la Kriegsmarine restent au port). Ces cuirassés auraient-ils pu enrayer l’attaque du Sud-Est asiatique ? On peut en douter, sinon au prix d’un suicide que les Américains n’auraient pas risqué après avoir observé le sort réservé au Repulse et au Prince of Wales (de fait, les cuirassés endommagés ou pas sont partis gentiment se faire greffer un radar et une DCA correcte sur la côte Ouest).
Quant aux 200 avions détruits, il s’agissait pour une bonne part de modèles obsolètes, remplacés en quelques jours. Leur destruction, une fois le raid passé, n’aurait été utile que dans la perspective d’une action soutenue, voire d’une invasion, que les Japonais n’avaient pas prévue. Je vous laisse le plaisir de découvrir la suite dans le magazine : il sort vendredi.
Ah, un dernier mot : Alan Zimm n’est pas seul à avoir émis des réserves sur la réussite tactique du raid sur Pearl Harbor. En fait, l’essentiel de notre argumentaire a été construit sur les travaux de Willmott, Parshall et Morrison.
Bonjour M. Grumberg,
J’entends bien que le raid sur Pearl Harbor n’est pas le modèle de planification et de réalisation que l’histoire ‘traditionnelle’ présente. J’entends bien que l’entrée en guerre du Japon est une catastrophe pour ce pays qui n’a pas les moyens de gagner la guerre.
Néanmoins, je pense qu’il faut rester mesuré dans la déconstruction du mythe et ne pas donner dans l’excès inverse. Même si je comprends le côté légèrement provocateur de votre intervention, je ne pense pas qu’il soit exact de dire que le Japon a ‘rendu service’ à l’Amérique en attaquant Pearl Harbor.
Je pense qu’il est facile, 70 ans après, de relativiser le bilan de l’attaque japonaise, et d’oublier le choc qu’elle a représenté pour les contemporains.
La perte de 2 cuirassés – plus ceux endommagés qui ne reprendront la mer qu’en 1944 pour certains – peut difficilement être qualifiée de négligeable à cette époque. La Royal Navy qui perd également à cette époque 2 cuirassés détruits (Prince of Wales et Repulse) et 2 autres endommagés (Queen Elizabeth et Valiant) en est fortement secouée.
De même, votre remarque sur l’obsolescence des appareils détruits à Pearl Harbor me fait penser que vous mesurez mal la pénurie d’appareils de combat dans le Pacifique jusqu’à fin 1942. Les appareils, début 1942, ne sont pas remplacés en quelques jours : à Midway, le corps des marines, aligne essentiellement des F2A Buffalo et des SB2U Vindicator, pourtant bien plus obsolètes que les F4F-3 Wildcat et SBD Dauntless détruits (entre autres) à Pearl Harbor. Au début de la campagne de Guadalcanal, il y a peu, très peu d’appareils à déployer dans le Pacifique sud, ce qui pèse sur la décision de l’amiral Fletcher de retirer ses porte-avions (il sait que le remplacement des avions perdus sera difficile).
Pareillement, on oublie très facilement les quelque 3.000 marins, marines et soldats tués lors de l’attaque. Au delà du drame humain, il y a une perte d’hommes qualifiés d’autant plu sévère que l’armée et la marine avaient un besoin criant d’hommes déjà entraînés à un moment d’expansion sans précédent.
Cordialement,
Francis Marliere
Cher Francis,
Si j’ai dit que le Japon a rendu service à l’Amérique (ou à la cause alliée) en l’attaquant, vous avez raison, c’est une c… et je m’en veux (je vais tout bien réécouter…). On ne rend jamais service à quiconque en l’attaquant, et le Japon, n’en déplaise à toute une école révisionniste, n’est pas tombé dans un soit-disant piège tendu par Roosevelt. Ce qui est certain, c’est en revanche que l’attaque a eu des effets contre-productifs pour le Japon, que nous listons (en évitant d’exagérer au passage la radicalisation de l’opinion américaine, comme vous pourrez le lire).
L’attaque a été vécue, là aussi vous avez raison, comme un traumatisme, un désastre. Le cuirassé était encore un symbole de la puissance navale et il va de soi qu’en couler quatre a eu une portée, disons, morale gigantesque (mais pas au point que l’espéraient les Japonais, Yamamoto en tête). Nous ne réagissons pas cependant comme à l’époque, mais avec le recul des années, ce qui nous permet de dire que cette perte, finalement, n’a guère eu de conséquence pratique.
Un petit mot de détail enfin sur les avions détruits. Les difficultés de remplacement dont vous parlez (à juste titre) portent sur les avions embarqués, pas sur ceux de l’Army Air Force. Or, Navy et Marines confondus ont perdu le 7 décembre, « friendly fire » inclus, 13 chasseurs (dont au moins 12 F-4F3) et 21 bombardiers (dont au moins 16 SBD Dauntless). 34 appareils en tout. Même en tenant compte de la pénurie, on ne peut pas dire que ces pertes aient pu remettre en cause la capacité de combat de la Navy. Quant aux avions de l’Army Air Force, je ne sais pas à quelle cadence ils ont été remplacés, mais on peut supposer que, vu l’urgence de défendre Hawaï contre une invasion toujours possible, des stocks de P-40 ont pu être prélevés sur la côte Ouest, voire sur les stocks « prêt-bail » en partance. Les Etats-Unis ont tout de même produit plus de 26 000 avions en 1941…
Les pertes subies à Pearl Harbor, encore une fois, n’auraient été significatives que si les Japonais avaient tenté d’envahir Oahu. Dans ce cas, en effet, les Américains n’auraient pas eu le temps de remplacer les pertes. Pour le reste, l’impact des destructions peut être considéré comme négligeable.
Merci cependant pour cette excellente remarque, qui m’a obligé à remettre le nez dans les chiffres (cette histoire de remplacement à Oahu me chiffonne, je vais chercher…).
Enfin, un mot sur les pertes humaines : 2335 tués et disparus en tout, dont un peu plus de 2000 marins, pour plus de la moitié dans l’Arizona. C’est beaucoup, bien sûr, mais je ne partage pas votre analyse en terme de pénurie de personnel. Ces membres d’équipage perdus seraient évidemment restés à bord de leurs cuirassés inutiles. Mais en mettant momentanément hors service les dits cuirassés, les Japonais ont « démobilisé » involontairement une grande quantité d’hommes, qui ont pu être réutilisés sur des unités légères, en manque de personnel. Je me contente là de citer Willmott.
Ah, j’ai trouvé le chiffre que je cherchais… Ou au moins une indication. Selon Parshall, les Américains disposaient de 275 avions à Hawaï en Avril 1942.
Autre remarque sur la décision de Fletcher de se retirer des eaux de Guadalcanal : cette décision visait non pas à économiser les avions mais surtout les porte-avions, infiniment plus précieux car infiniment plus longs à construire. Que les Américains aient eu le sentiment de manquer d’avions, ça, je veux bien le croire, on n’en a jamais trop, mais dans l’ensemble c’est plutôt les Japonais qui ont souffert (dès Pearl Harbor en fait) du manque d’avions et de pilotes. Il me semble que vous exagérez à votre tour la portée de la pénurie côté américain. Mais c’est une très bonne question, je vais donc aller y voir de plus près.
La question de l’obsolescence des modèles présents à Midway mérite également attention. C’est vrai que le Buffalo et le Vindicator étaient largement dépassés en juin 1942. Pour autant, la question de leur remplacement ne tient pas seulement à un problème de disponibilité du matériel (des avions plus performants étaient disponibles à Hawaï). Le facteur temps entre en jeu, ainsi que la logistique, la formation des équipages, le sentiment d’urgence, la perception de la menace… Notez par exemple qu’à Midway, les Marines n’ont pas pu utiliser, faute d’entraînement adéquats, leurs SBD Dauntless tous neufs dans le rôle de bombardiers en piqué…
Bonjour,
j’ai manqué de temps et de place pour développer ce que je n’ai qu’évoqué la dernière fois, et je vais essayer de préciser mes propos (brièvement car le temps m’est encore compté).
Je crains de ne pas comprendre votre remarque sur les Buffalo et Vindicator à Midway ; elle me semble conforter ce que j’ai dit précédemment, à savoir que l’US Navy et l’US Marine Corps manquaient cruellement d’appareils au début de la guerre. certaines unités ont conservé plusieurs mois des appareils dépassés et d’autres sont allées au combat sans entraînement, faute d’avoir reçu à temps leur équipement.
Je crains en effet de ne pas exagérer la pénurie d’appareils en première ligne dans le Pacifique jusqu’à la fin de l’été 1942. Le site suivant (http://www.history.navy.mil/a-record/ww-ii/loc-ac/loc-ac.htm) donne l’ordre de bataille aérien de la marine et du corps des marines à des dates régulières. Je vous invite à en télécharger quelques-uns ; vous verrez, l’inventaire n’est pas impressionnant. Les 275 appareils disponibles à Hawaii en avril 1942 font cruellement défaut ailleurs, en particulier dans le Pacifique sud qui est presque sans défense jusqu’à l’automne.
Je rebondis au passage sur ces 275 appareils, qui sont immobilisés inutilement à Pearl Harbor pendant des mois (la situation fera scandale fin 1942) justement en raison de la peur d’une nouvelle attaque japonaise sur Hawaii. C’est à mon sens une preuve que l’attaque japonaise sur Pearl Harbor est, malgré de légitimes réserves, un indéniable succès tactique et opérationnel.
La décision de l’amiral Fletcher a été largement et brillamment étudiée par John B. Lundstriom dans « Black Shoe Carrier Admiral ». Bien évidemment, elle n’est pas motivée uniquement par l’attrition des groupes aériens de ses porte-avions ; la crainte – bien légitime – d’une attaque aérienne ou sous-marine et la nécessité de mazouter ont également fortement pesé.
Cordialement,
Francis Marliere
Un dernier mot, qui abonde dans le sens de l’intervention de Francis Marlière. Je cite/traduis à la va-vite Eric Bergerud (Fire in the Sky, The Air War in the South Pacific, p.238) : « Pendant les mois qui ont précédé et suivi Pearl Harbor, les forces armées américaines ont du attendre que la production réponde aux attentes. La pénurie a sévi sur bien des types d’avions, accompagné par un manque sévère de pièces. (p.238) » Et Bergerud insiste sur le fait que la situation a été encore pire sur les théâtres secondaires comme le Sud Pacifique. Dont acte. Cela ne retire rien au fait que les défenses de Hawaï ont été rapidement reconstituées – cf chiffre cité plus haut – et que les Américains ont gagné leurs batailles aériennes avec une marge numérique correcte dès que la nécessité stratégique l’imposait (notamment à Midway). Peu ou prou, les porte-avions ont toujours reçu tout au long de 1942 un contingent optimal d’avions. Question de priorité. Je repompe encore Bergerud : la Navy disposait le 7 décembre 1941 de 350 F-4F, les Marines de 60. Ce n’est pas énormes, mais les 13 pertes subies à Pearl Harbor (dont une bonne partie par effet du feu ami) sur ce type d’appareil ne représentent que 3-4 % du stock. Est-ce insurmontable ?
Que les Américains aient été mal préparés, sous staffés et sous équipés fin 1941, c’est évident ! Mais je ne vois pas en quoi les avions perdus à Pearl Harbor, dont un grand nombre étaient des engins obsolètes (disons, encore plus obsolètes que le Buffalo pour faire bref), auraient changé quoi que ce soit à la situation. Ces avions seraient restés à Oahu, parce que cette base était d’un intérêt stratégique majeur. Que les Américains, après le camouflet reçu, ait ressenti le besoin de la défendre est totalement compréhensible (Nimitz ne voulait pas finir comme Kimmel).
@tous: merci à tous de votre participation active sur bir-hacheim.com. Une énorme satisfaction pour un blogueur. Je vous propose de suspendre vos réflexions jusqu’à la sortie – très prochaine maintenant – du G&H n°4,le 16. Pierre Grumberg a tout particulièrement beaucoup de travail au delà de sa passion pour l’histoire mili ! 😉
Je reviens très vite, puisque le numéro est sorti (nous préparons la suite, déjà…).
D’abord, je souhaiterais préciser que le livre d’Alan Zimm n’est pas un pamphlet, mais un ouvrage bien construit, bien réfléchi et solidement argumenté. J’en ai discuté (longuement) avec Jon Parshall, qui partage la plupart des conclusions d’Alan Zimm.
Ensuite, je persiste et signe sur la portée nulle des destructions infligées à l’aviation de Pearl Harbor. Ces avions n’auraient nullement pu servir autre part qu’à Oahu et de toute façon l’impact de quelques dizaines d’avions supplémentaires, aux Philippines ou ailleurs, n’aurait rien changé tant la supériorité japonaise était acquise.
Les pertes relativement faibles subies par la Navy à Pearl ont très vite été comblées (les porte-avions qui ont mené les raids du début 1942 contre les Japonais l’ont fait à plein effectif). Quant à la présence d’avions obsolètes à Midway, il s’agit simplement d’une question de responsabilité. La défense de la base n’incombait pas comme Hawaï à l’USAAF mais aux Marines et à la Navy, dont les équipes locales étaient équipées de vieux Buffalo et autres Vindicator.
S’il y a donc eu victoire tactique des Japonais à Pearl Harbor, ce qui me paraît évident et que notre dossier ne dément absolument pas, sa portée ne dépasse pas celle du mois, au mieux.
Oups ! Pour ma part, toujours pas lu, je ne l’ai pas encore reçu ! 😉
Et hop, un commentaire avisé sur ce #4 sur le forum de wargame, Lignes de bataille ! 😉
http://lignesdebataille.forumgratuit.fr/t800-guerre-histoire-4-la-review#13797