Géopolitique du sionisme STratégies d'Israël Frédéric Encel

Comme on le sait, rien n’est simple au Proche Orient et une fois de plus la zone Israël – Palestine enflamme tant l’actualité que les esprits partisans. C’est toujours dans ces moments là qu’il est utile de se pencher sur des ouvrages de fond. « Géopolitique du sionisme – stratégies d’Israël » de Frédéric Encel en est un.

En ces temps de réthorique où l’on veut opposer bonne et mauvaise cause, fort et faible, où l’on vit dans l’immédiateté des images et des commentaires à chaud, l’utilisation d’un manuel géopolitique me semble toujours de bon aloi.

Car il s’agit d’aller au delà des thèmes récurrents du bien et du mal, de la morale, du « bon droit », il s’agit d’aller puiser dans la discipline géopolitique, discipline, non pas en charge de dire la morale ou le droit mais de peser les forces et les faiblesses des protagonistes, d’utiliser les disciplines telles que l’histoire, la géographie, la démographie, les sciences politiques et sociales pour mettre en perspective les faits saillants et les évolutions possibles.

En ce qui concerne l’auteur, Frédéric Encel, j’ai déjà commenté et apprécié plusieurs de ces ouvrages sur Bir-Hacheim. Il est important de signaler qu’il se rattache au courant dynamique de géopolitique initié, il y a des décennies maintenant, par le géographe Yves Lacoste pour lequel j’ai un grand respect. On notera d’ailleurs que l’ouvrage présenté ici est édité dans une collection « Perspectives géopolitiques » dirigée précisément par Yves Lacoste.

L’ouvrage, édité en 2006 et de plus de 300 pages, se divise en quatre grandes parties:

  • Le sionisme, un nationalisme atypique: en fait, on connaît bien peu le sionisme. Frédéric Encel revient sur ses origines à la fin du XIXe siècle, sa construction, son évolution lente et non linéaire, ses caractèristiques, ses adversaires juifs et non juifs, son impact dans la construction de l’état d’Israël
  • Penser la guerre: le mouvement sioniste, tout comme la jeune nation israélienne, n’étaient guère préparés à la guerre. Mais très vite, ils se retrouvent opposés à des adversaires puis à des ennemis résolus. La hantise de la guerre civile va également être l’une des composantes de l’état fondé. Deux bons chapitres sont consacrés à « Mener la guerre » et « Exprimer la guerre » dans lesquels on se rend compte de l’évolution guerrière rapide d’une nation si peu encline à la guerre.
  • Assumer la puissance ? Au travers des guerres sucessives, Israël va se découvrir puissance régionale incontournable. Les élites mais aussi la société israélienne toute entière vont s’adapter à cet état de fait jusqu’à la situation actuelle qui se résume dans le paradoxe suivant: « Être puissant mais se croire en sursis permanent ».
  • Penser l’espace. C’est bien dans ce chapitre qu’Encel se pose en disciple accompli de la pensée d’Yves Lacoste. Tout d’abord, il s’agit de penser les espaces juifs dans l’espace transfrontalier et dans le temps. Ensuite, de penser les espaces en termes d’utilité et d’hostilité particulièrement en ce qui concerne la topographie et l’enjeu hydraulique. Enfin, il s’agit de repositionner l’espace utile en fonction des espaces évoqués dans les textes sacrés et de renommer les espaces et les paysages.

On ressort de cet ouvrages, comme d’un ouvrage d’Yves Lacoste, beaucoup de concepts secoués dans tous les sens, d’une façon clairement originale et particulièrement fouillée. C’est ce que j’attends pour ma part d’un tel ouvrage de géopolitique.

Evidemment, certains reprocheront à Encel d’avoir une approche israélo-centrée mais le sujet est clairement posé dès le titre. On aura évidememnt une approche différente chez Pascal Boniface, par exemple.

L’ouvrage s’appuie sur 13 cartes, une bibliographie dense, une chronologie, quatre annexes, un index des noms propres et un index des noms de lieux.

Géopolitique du sionisme: stratégies d’Israël. Par Frédéric Encel. Edité chez Armand Colin dans la collection « Perspectivesgéopolitiques » sous la direction d’Yves Lacoste. 2006, réédité en 2009.

 

 


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