tsahal-a-lepreuve-du-terrorisme-samy-cohenUn goût d’inachevé…mais le problème posé par les guerres asymétriques n’est pas simple.

Le thème de cet ouvrage m’a intéressé immédiatement à deux titres:

  • la situation au Proche Orient m’intéresse depuis maintenant plus de 30 ans. L’évolution de la jeune armée israélienne en cet outil de combat exceptionnel qu’est Tsahal est un de mes sujets de recherche historique depuis déjà bien longtemps.
  • les réflexions et les enseignements à tirer pour l’engagement des armées occidentales dans des conflits de basse densité comme en Irak ou en Afghanistan

Tsahal (Israeli Defense Force) est une armée occidentale dans son esprit, dans ses équipements et dans sa doctrine avec une expérience opérationnelle et une adaptation au fait particulier de l’état d’Israël qui en font l’une des plus efficaces depuis 60 ans.

Si cette armée, avec une courte histoire (elle nait en 1948 avec la création de l’état d’Israël), a gagné toutes ses guerres conventionnelles, elle est confronté depuis l’occupation du Liban Sud dès 1982 à des opérations de basse densité, encore appelées guerres asymétriques.

Devant le rapport de force écrasant et les victoires à répétition de Tsahal, ses adversaires en ont été réduits  à développer des opérations de guérilla et de terrorisme.

Il est important de distinguer les deux types d’opérations. Si les Israéliens utilisent volontiers le terme de terrorisme pour désigner toutes les opérations de ses adversaires, il faut rester précis sur le vocabulaire employé:

  • guérilla: actes de guerre contre les forces armées (et les gardes frontières du Magav) israéliennes
  • terrorisme: actes violents contre les civils israéliens que ce soit sur le territoire israélien ou à l’étranger

L’ouvrage de Samy Cohen est un bon ouvrage critique sur le sujet.

Parmi ses points forts, il analyse de manière systématique:

  • le contexte de l’évolution du conflit,
  • l’évolution de la stratégie du pouvoir politique israélien et de la stratégie militaire de Tsahal,
  • l’adaptation de la doctrine d’emploi, des personnels, des équipements utilisés par Tsahal dans la lutte contre-insurrectionnelle
  • les problèmes soulevés par les actions contre-insurrectionnelles: éthique, droits de l’homme, opinion publique israélienne et mondiale, réaction des populations civiles concernées palestinienne ou libanaise

Bref, tout y est dans une démarche qui se veut rigoureuse.

Parmi les points faibles de l’ouvrage: une grosse partie est consacré à critiquer le gouvernement israélien, l’armée israélienne et ses pratiques. C’est logique mais si l’auteur évoque clairement la responsabilité des pratiques de guérilla et terroristes pratiqués par des mouvements comme le Hezbollah, le Hamas ou le Fatah, il évoque les mauvaises réponses aqu’apporterait Israël. Pour lui, les bonnes réponses ne peuvent être que politiques et militairement graduées si nécessaire.

Intellectuellement compréhensible mais difficilement applicable face à un monde arabe et à un monde musulman qui, globalement, dénient à Israël le droit d’exister en cet endroit du monde. Le fait est d’importance et me semble nécessaire à rappeler.

Sa critique  de la politique du gouvernement Sharon est lourde: exécutions ciblées, opérations aéro-terrestres, mur de séparation. Mais comment arrêter la menace terroriste quand les attentats suicides se multiplient et tuent des civils ? L’armée française avait gagné la bataille d’Alger en son temps avec des moyens contre-insurrectionnels critiqués depuis mais surtout sans base arrière pour les réseaux du FLN. Ce n’est ni le cas  à Gaza, ni le cas au Liban sud. Seules les frontières égyptienne (hors Gaza), syrienne et surtout jordanienne sont sûres pour Israël. Les gouvernement « officiels » libanais ou de l’Autorité Palestienne soutiennent ou au mieux « laissent faire » les opérations de guérilla ou terroristes contre Israël.

Quant à l’un des deux sujets qui m’intéressaient en début d’ouvrage; à savoir les enseignements à tirer  des guerres asymétriques de Tsahal pour les théâtres d’opérations irakien et afghan, il est clair qu’une différence s’impose: Israël et Tsahal défendent non seulement leur territoire mais aussi leur existence même, ce n’est pas le cas des troupes engagées sur des théâtres d’opérations extérieures. De même, la proximité de la guerre touche directement les civils israéliens de par le manque de profondeur géographique, les attentats et la portée des armes actuelles.

Bref, un ouvrage très intéressant, critique et argumenté qui vient éclairer le débat. Mais la solution aux guerres asymétriques n’a visiblement pas encore été trouvée et l’ouvrage de Samy Cohen n’apporte pas de propositions concrètes en ce sens.



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