Ce numéro 24 du magazine Ligne de front est, pour l’essentiel, consacré aux commandos et forces spéciales.



Une fois de plus, on constate la confusion existant entre troupes de choc, unités de reconnaissance profonde, forces spéciales à proprement parler. Ce numéro du magazine n’échappe pas à la règle.

Tout d’abord, un article en dehors du sujet sur le werwolf, ces unités de partisans allemand derrière les lignes alliées à la fin de la seconde guerre mondiale. Il s’agit de la suite d’un article paru dans le n° 23. Yann Mahé détaille deux opérations en particulier: l’assassinat de Franz Oppenhoff à Aix-la-chapelle et la mort du général américain Maurice Rose attribuée à tort au Werwolf mais que la propagande nazie leur attribua. Ce qui est particulièrement intéressant c’est d’apprendre que ces opérations ont perduré quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale, ce que j’ignorais.

Revenons maintenant au sujet principal: commandos et forces spéciales:

  • Les stosstruppen de la Grande Guerre. Un bon article de Jean-Claude Laparra, historien de la 1ère guerre mondiale. Cet auteur nous présente la genèse, le recrutement, la formation, la répartition des stosstruppen dans les grandes unités, leurs missions et méthodes et quelques opérations types. En fait, pour moi, comme leur nom l’indique, il s’agit de troupes de choc dont la fonction essentielle reste de percer les lignes ennemis dans de grandes opérations. Ce ne sont pas des unités de forces spéciales. L’article possède par ailleurs une belle bibliographie.
  • Les scorpions du désert dans la guerre des sables. Un article de Xavier Tracol consacré au Long Range Desert Group (LRDG) britannique durant la 2ème guerre mondiale. Là, on est plus clairement dans les unités correspondant aux forces spéciales: reconnaissance profonde dans le dispositif de l’ennemi, renseignement, actions de destruction sur les arrières,… La constitution des unités, les spécificités du théâtre d’opération, les équipements et les opérations sont présentés dans un article bien construit. L’iconographie et les profils sont de toute beauté. Dommage que l’article ne soit pas complet d’une belle bibliographie…
  • « Chariot » ou le raid sur Saint-Nazaire. Opération type des commandos britanniques, le raid sur Saint-Nazaire consistait en la destruction de la « forme Joubert » seule capable d’accueillir sur la façade atlantique le cuirassé allemand Tirpitz, terreur de l’Amirauté britannique quant à ses convois en Atlantique et en Mer du Nord. La mission fut réalisée par des forces de commandos importantes. En cela, il s’agit quant même d’une mission atypique pour des forces spéciales mais il est clair que la  vitesse d’exécution, les missions de destruction et les process d’insertion et d’extraction nécessitaient des combats hors du commun.
  • Opération « Amherst » par Franck Segrétain. Il s’agit de l’engagement des 2ème et 3ème RCP aux Pays-Bas en avril 1945. Après l’échec d’Arnhem, il s’agissait de lancer les deux régiments SAS français sur les arrières des positions allemandes retranchées dans l’ouest des Pays-Bas juste avant le lancement d’une opération majeure prise en charge par la 1ère armée canadienne. Destruction des infrastructures, embuscades, sabotages des lignes de communication, désordre sur les arrières telles étaient les missions typiquement commandos confiées aux SAS français. Malgré un démarrage difficile de l’opération, celle ci fut remplie avec des pertes élevées. A noter l’intéressant témoignage de Joseph-Antoine Caïtucoli, ancien sous-officier au 2ème RCP. Un bon article.
  • Objectif Tito, le SS-Fallschirmjäger-bataillon 500 saute sur Drvar par Yannis Kadari et Yann Mahé. C’est sûrement l’article que j’ai préféré dans ce numéro 24 de Ligne de front. A nouveau plutôt qu’une mission de forces spéciales, il s’agit d’une mission de troupe de choc. Il s’agissait de décapiter les forces yougoslaves par la destruction des plus hautes instances de leur armée: rien moins que Tito et son état-major. Exploitant des renseignements précis, cet état-major fut localisé près de la ville de Drvar en Bosnie. Les auteurs nous présentent la préparation et le déroulement de l’opération qui allait être mené par une troupe de choc directement parachutée sur l’objectif alors que des unités classiques convergeaient vers le site. Les pertes furent importantes des deux côtés et l’opération manqua son objectif: Tito et son état-major gagnant rapidement une localisation sûre et hors d’atteinte.

J’observe quelques faiblesses récurrentes dans ce numéro de Ligne de front: l’absence de biographie des auteurs, une absence fréquente de bibliographie pour aller plus loin sur le thème étudié et des cartes parfois imprécises qui mériteraient à minima une échelle. Ce n’est, je pense, pas grand chose pour que le magazine gagne en qualité. J’espère être entendu.. un jour ! 😉

De plus, Ligne de front a du mal à quitter les conflits de la 1ère et de la 2ème guerre mondiale. Or, pour un sujet tel que celui de ce numéro 24, les guerres de la décolonisation, le Vietnam,… offrent d’autres illustrations de l’emploi des commandos et forces spéciales.

Globalement un bon numéro avec une mise en page et une iconographie toujours de belle qualité.

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