Au moment de la guerre d’Algérie, Pierre-Alban Thomas rassemblait deux caractéristiques peu communes: il était officier de l’armée française et communiste.

Né dans un milieu pacifiste, l’auteur tire sa vocation militaire de l’entrée des troupes allemandes en France en 1940. Il fut FTP durant la seconde guerre mondiale et officier également durant la guerre d’Indochine où il fut confronté à un mouvement révolutionnaire (le vietminh), une guerre de libération et en même temps une guerre coloniale pour reprendre ses termes. De cœur avec les motivations de son ennemi, il n’en estime pas moins avoir fait son devoir de soldat et d’officier français. Mais sur le sujet, il ne nous livre guère son témoignage car il ne s’agit pas de l’objet du présent livre.

Par contre, il s’étend, ici, bien plus largement, sur ses actions durant la guerre d’Algérie dans des bataillons d’appelés du contingent, plus précisément de chasseurs.

L’intérêt de ce texte est évident:

  • témoignage d’un officier à la tête d’une compagnie d’appelés mais également en tant qu’officier attaché au 2ème bureau (renseignement). C’est là qu’il sera particulièrement exposé aux actions de pacification, de contre-insurrection, à la torture et aux exécutions sommaires.
  • témoignage d’un homme à la conscience politique communiste affirmée, confronté aux actions de son pays, de son administration, de ses pairs militaires et des civils dans le cadre d’une guerre qui ne voulait pas dire son nom mais qui était pour les uns, une guerre pour l’intégrité du territoire français et pour les autres, une guerre d’indépendance. Pierre-Alban Thomas ne cache pas non plus les actes qu’il a pu commettre lui même ou par ses ordres pour lesquels il culpabilise encore aujourd’hui.

L’ensemble des éléments majeurs de la guerre d’Algérie sont couverts d’autant plus que l’auteur va largement au delà de son simple témoignage de ce qu’il a vu et de ce qu’il a vécu.

C’est d’ailleurs ce qui m’a gêné dans ce texte:

  • tout d’abord, l’auteur ne se contente pas de rapporter ce qu’il a vu ou fait. Il utilise son expérience pour donner une dimension plus large à son analyse du conflit mais au travers du prisme , des arguments, de témoignages et de sources qui justifient son propos. Si ce n’est pas un ouvrage d’historien, cette approche peut biaiser le lecteur peu au fait de la guerre d’Algérie. Tout du moins, à mon sens.
  • régulièrement, il glisse quelques tacles bien sentis à destination de ses pairs officiers, sur le commandement et aussi tout particulièrement sur la Légion et les unités paras. Est particulièrement visé le général Bigeard. Même si « Bruno » avait des défauts, vouloir casser systématiquement ses actions et ses bilans n’est pas très efficace, tout du moins chez moi.

Finalement, ce texte m’aurait sans doute plus intéressé, débarassé de son argumentation « militante ».

A noter la préface de Pierre Vidal-Naquet, militant de la cause algérienne dès la première heure.

260 pages. Aux éditions du Seuil en 2002.

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