L’équation n’est pas simple.

La guerre dure depuis maintenant huit ans. Après l’effondrement initial d’Al Qaida et de ses alliés talibans, il est clair que les Etats-Unis et l’OTAN font face désormais à un guerre de guérilla habilement menée à partir du territoire afghan mais aussi des zones tribales pachtounes situées du côté pakistanais de la frontière…

Seule solution à la résolution du conflit: l’afghanisation.

De quoi s’agit il ? Il s’agit peut à peu de transférer le conflit des forces occidentales vers les troupes et la police afghanes. Rien moins que ça.

Le problème est, comme en Irak, que les afghans ne constituent pas un groupe homogène:

– sur le plan peuplement, on estime que la répartition est la suivante:

  • pachtounes: 42%
  • tadjiks: 27%
  • hazaras: 10%
  • ouzbeks: 9%
  • quelques autres tribus dont les turkmènes.

– sur le plan religieux:

  • 80% de musulmans sunnites
  • 19% de musulmans chiites

En conséquence, l’existence d’un gouvernement central a plus que des difficultés à s’imposer localement. En fait, le gouvernement d’Amid Karzai gouverne essentiellement la région de … Kaboul, la capitale. Quant aux talibans, ils sont, pour l’essentiel, pachtounes et sunnites et ils accueillent et protègent les réseaux d’Al-Qaida…

Une autre des clés du conflit est dans la situation très particulière que représentent les « zones tribales » pachtounes intégrées au territoire du Pakistan mais largement autonomes vis à vis du gouvernement de Karachi. Quant on sait l’aversion de la rue pakistanaise pour les Occidentaux mais aussi pour les Indiens, on comprend mieux le grand écart permanent que doit faire le gouvernement pakistanais pour contenter sa rue et contenter son bailleur de fond sans lequel rien ne tient aujourd’hui: les Etats-Unis d’Amérique.

Pour paraphraser Antoine Sfeir, rien n’est simple dans l’Orient compliqué…

Pour revenir sur le terrain, l’engagement des troupes reste marginal pour les Occidentaux et c’est bien là notre point faible.

Il a fallu près de 500.000 à la France pour gagner – militairement – la guerre d’Algérie sur un terrain plus facile avec la proximité de la métropole et la présence de plus d’un million de français d’Algérie. Et encore, la France a fini par quitter l’Algérie faute de solution politique…

Les troupes US vont bientôt s’élever à plus de 75.000 hommes. On peut espérer au mieux la contribution des alliés de l’OTAN à 30-40.000 hommes. Si on ajoute les troupes afghanes, elle devraient graduellement être portées de 80 à 134.000 hommes. On arrive péniblement à un total – optimiste – de 250.000 hommes non comprises les forces de police. Certes, les moyens modernes permettent de diminuer les moyens humains engagés mais la guerre de guérilla reste une guerre de proximité.

Les russes en leur temps, devant l’incapacité à contrôler la situation, avaient décidé de leur retrait et de l’afghanisation. Le gouvernement afghan pro-soviétique allait tenir 3 ans…

Pourquoi ? Parce que l’armée afghane est un rassemblement d’ethnies aux intérêts divergents, parce que la police afghane est largement corrompue, parce que les chefs de tribus et les factions souhaitent garder leur indépendance vis à vis du pouvoir central et parce que la culture du pavot reste la principale ressource pour les paysans mais aussi pour les factions rivales.

Comment se sortir de cette situation ?

Les clés de la réussite:

  • l’engagement de plus de 400.000 hommes impossible à réaliser dans les circonstances actuelles
  • la dé « sanctuarisation » des zones tribales pachtounes au Pakistan impossible à réaliser sans explosion populaire au Pakistan
  • la formation accélérée  de l’armée et de la police afghane mais est ce bien possible ?

Pour ma part, je considère que l’enjeu n’en vaut pas la chandelle. L’Afghanistan est un abcès dans lequel nos forces armées peuvent s’épuiser durant de nombreuses années sans résultat notoire et sans intérêt géopolitique majeur.

A l’heure où le péril et les enjeux majeurs relèvent plus sûrement de la zone Irak – Iran, il est clair, pour ma part, qu’un désengagement s’impose.

A lire, l’excellent « Mourir pour l’Afghanistan » de Jean-Dominique Merchet ».

Je commenterai prochainement le dernier ouvrage de Robert Baer: L’Iran, l’irrésistible ascension.

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