Un numéro  de 80 pages avec cinq chapitres tous de la plume de Stéphane Mantoux.

  • La Wehrmacht en 1941, un colosse aux pieds d’argile: après la victoire fulgurante de l’été 1940, l’auteur met l’accent sur la mauvaise analyse stratégique allemande de la nature de la guerre à l’est et du potentiel sous-estimé de l’armée soviétique. Il pointe également les erreurs de planification stratégique et la nature idéologique d’une guerre qui allait se caractériser par des exactions sans fin sur les civils. Enfin il s’intéresse à l’économie de guerre non encore mise en place en Allemagne et à une armée allemande à deux vitesses: des pointes blindées efficaces mais encore bien légères et des armées hippomobiles et encore largement constituées de divisions d’infanterie classiques. Bref au final, une armée qui va tirer son mieux possible dans des manœuvres d’encerclements successives sans pouvoir mettre en œuvre un potentiel déterminant nécessaire à une guerre mécanisée sur de tels espaces.
  • Un géant endormi, grandeur et démesure de l’Armée Rouge à la veille de Barbarossa. Stéphane Mantoux fait partie de ces historiens décidés à tordre le cou à ce qui constitua la doxa sur l’Armée Rouge pendant plus de 50 ans: « une armée pléthorique, sans aucun génie militaire ne l’emportant finalement que par la multitude et le prêt-bail allié ». Il revient, à juste titre, sur la qualité et l’innovation de la pensée militaire soviétique des années 30 symbolisées par les mesures prises par un Frounze ou un Toukhatchevski. Malheureusement les purges stalinienne vont mettre à bas le travail réalisé en décapitant largement le corps des officiers jusqu’au niveau des brigades… Les expériences d’Espagne, de Mandchourie et de Finlande ne vont pas permettre de redresser suffisamment la barre à l’aube de Barbarossa. N’empêche que le corps de bataille soviétique et la production restent impressionnants et, rappelons le, minorés par les stratèges allemands. Pour finir, Stéphane Mantoux pointe les lacunes à l’ouverture du conflit: faiblesses défensives tant dans la doctrine que dans les équipements, manquements dans le combat inter-armes, problèmes logistiques énormes, unités en sous-effectif, manque de défense en profondeur…
  • Tonnerre de Brest ! Le siège de Brest-Litovsk. Il s’agit pour l’auteur de démontrer dans ce chapitre et les deux suivants que les Soviétiques ont tenu parfois mieux que ce qui était prévu. Le cas de Brest Litovsk est d’ailleurs exemplaire à cet égard démontrant dès le début de conflit la capacité de résistance des frontoviki malgré toutes les lacunes de l’Armée Rouge. Il nous présente d’abord la forteresse en elle-même, il nous fait découvrir les combats qui s’y sont déroulés entre Allemands et Polonais en 1939 et qui auraient quand même pu permettre aux Allemands de mieux préparer leur offensive de 1941. Il détaille ensuite les ordres de bataille respectifs, l’investissement de la place et le siège qui va s’en suivre. La dureté des combats préfigure celle de ceux de Stalingrad…
  • La bataille de Smolensk, les soviétiques contre-attaquent. Il s’agit ici de démontrer les capacités contre-offensives des soviétiques malgré les pertes énormes subies jusque là, les difficultés de ravitaillement, le manque d »expérience des unités envoyées au combat mais aussi les erreurs de planification du commandement russe. Les Soviétiques furent capables de contre-attaquer les pointes blindées allemandes arrêtant ainsi l’offensive devant Moscou, provoquant la crise entre Hitler et Halder et amenant le Japon à ne pas se précipiter dans un conflit contre le géant soviétique.
  • Le siège d’Odessa, les Roumains échouent. On se rend compte ici des difficultés rencontrées par les forces de l’Axe quand les conditions de la Blitzkrieg ne sont pas remplies. Ce sera l’une des faiblesses récurrentes de l’ordre de bataille de l’Axe à l’est, les troupes alliées de l’Allemagne n’étant pas de taille à s’imposer aux Soviétiques.

Au final, un numéro bien équilibré, mené de main de maître par un Stéphane Mantoux de plus en plus efficace tant dans sa maîtrise du sujet que dans sa narration.

Les faiblesses observées sont mineures:

  • une bibliographie très anglo-saxonne – j’en connais un qui reproche à d’autres historiens de trop utiliser les sources anglo-saxonnes… 😉 Il y a une référence russe mais comme elle est donnée en cyrillique, elle est difficilement exploitable… On peut l’écrire en alphabet romain, non ? 😉
  • des cartes en dessous du niveau de l’édition actuelle: pas d’échelle, un manque de clarté voire d’utilité – un sérieux progrès à faire dans ce domaine – par contre l’iconographie est originale, enfin selon moi.

Au final, un excellent numéro que je ne peux que vous conseiller  !

2e guerre mondiale. Hors-série n°33. Numéro d’octobre-novembre-décembre 2013 en vente dans les maisons de la presse et chez l’éditeur.

 

 

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